L'ICEM pédagogie Freinet soutient cette lettre ouverte
Nous, militant·es de l'ICEM-Pédagogie Freinet soutenons la lettre ouverte ci-dessous, car comme la FNAREN, nous sommes naturellement attaché·es au respect de la personne qu'est l'enfant, fort de sa singularité, ses besoins et ses désirs.
Comme à la FNAREN, nous nous attachons quotidiennement à mettre en avant sa parole, ses initiatives, son sens des responsabilités et du collectif, car sans cette prise en compte, de nombreux enfants, trop vite appelé·es élèves, ne trouveront pas leur place à l'école et conséquemment dans la société.
Nous défendons instamment les valeurs véhiculées par nos deux mouvements, valeurs essentielles pour un grandir harmonieux et global de toute notre jeunesse.
Nous, enseignant·es spécialisé·es en aide relationnelle des écoles primaires, lançons un appel pour vous informer que la spécificité de l’aide relationnelle est en danger. Ses missions auprès des élèves, de leurs familles et des enseignant·es sont aujourd’hui détournées de leur sens.
Depuis plus de 30 ans, nous œuvrons au sein des RASED (Réseau d’Aides Spécialisées aux Élèves en Difficulté) auprès d’élèves ayant le besoin spécifique de retrouver le chemin des apprentissages et leur estime de soi. Cette aide spécialisée soutient une éthique fondée sur le respect de la personne de l’enfant, non réduit aux points faibles observés du point de vue de l’école. Elle reconnaît la singularité de chacun. Elle accueille l’agressivité lorsqu’elle émerge. Elle propose la transformation de la destructivité – dont l’inhibition ou l’agitation, voire le refus scolaire, sont des formes possibles – en créativité. Il s’agit de s’adresser à l’enfant, de l’écouter, de tenter de comprendre sa façon de communiquer, d’aller le chercher là où il se tient pour lui proposer des médiations : jeux sensorimoteurs, jeux de représentation (ou de fiction), jeux de règles, afin qu’il mette en acte ses capacités de pensée, là où en classe on parle surtout de ses difficultés. Une activité fait médiation pour un enfant quand il est accompagné par un.e enseignant·e spécialisé·e, formé·e à la relation d’aide, et proposant une juste distance au travail relationnel en jeu.
Cette démarche est mise en œuvre grâce à la collaboration préalable et continue avec les enseignant·es des classes, les équipes, les parents et les partenaires extérieurs. Cette aide relationnelle nécessite, la plupart du temps, un lieu spécifique dédié qui soit en même temps à l’intérieur de l’école, mais hors de la classe où l’élève donne à entendre parfois bruyamment les obstacles qui entravent sa compréhension des attentes scolaires.
Aujourd’hui, la médicalisation des difficultés intervient souvent trop vite. Elle se traduit par une recherche de diagnostics et de prescriptions. La technique évaluative est souvent mise en avant comme unique modalité de penser UNE solution miracle. Les protocoles deviennent alors la réponse omnipotente, au risque d’évacuer un véritable travail partenarial entre tous les membres de l’équipe éducative.
L’expérience de l’aide relationnelle nous apprend au quotidien que certaines difficultés ne relèvent ni du médical ni de la seule didactique de l’enseignement. Alors que les alertes sociales augmentent dans les écoles, les commandes institutionnelles nous éloignent de nos missions de prévention et d’aides directes auprès des élèves. Nous sommes très inquiét·es de constater que l’aide relationnelle à laquelle nous avons été formé·es puisse disparaître. La pratique de l’aide relationnelle requiert une formation spécifique de manière à prendre en compte la complexité multifactorielle des situations rencontrées à l’école.
Nous prenons position pour maintenir l’aide relationnelle dans ses fondements psychopédagogiques qui place la rencontre avec l’autre au cœur de tout apprentissage et de tout projet de scolarisation réellement digne d’une école pour tous. Nous attendons de vous des décisions claires allant dans ce sens et donc dans le sens d’une société plus inclusive.
Paris, le samedi 9 mars 2024
Lettre ouverte portée par le Bureau National de la FNAREN :
Laëtitia Fombelle (Présidente) – Daniel Gostain (Vice-Président)
Aurélia Gabriels-Belhaj - Clarisse Huppenoire - Nathalie Mentec – Karine Richet – Lydia Tournelle
Les signataires, administrateurs départementaux de la FNAREN :
Florence Verbeck (01) - Valérie Antico (06, 83) - Agnès Olivan (09, 31, 81) - Jean-Pierre Juret (14) -
Frédéric Tolleret (17) - Martine Pietri-Pellegri (2B) - Mayder Laborde-Laulhé (27, 76) - Laurence
Château (28) - Florence Buisine (33) - Emmanuelle Vignol (37) – Gwenaëlle Schlecht (38) -
Stéphanie Bouyer (41) - Géraldine Moreul (44) - Sarah Jourdet (49) - Myriam Brenne (59, 62) -
Céline Barbet (61) - Lydie Lamèterie (63) - Olivier Pagès (66) - Christine Bohrer (68) - Rachel
Huan et Pierre Côte (69) - Aurélie Dolfsma (72) - Bénédicte Hassoux (75) - Pascale Pellus-Mary
(78) - Anne-Catherine Champigny (79) - Julie Audebert (82) – Laurence Lebon (86) - Laurence
Gégot (91) - Laurence Fourtouil (92) - Nathalie Burguès Gensel (99)
Avec le soutien du Comité scientifique de la FNAREN :
- Sandrine Benyayer, art-thérapeute, rééducatrice
- Serge Boimare, psychologue, psycho-pédagogue
- Jean-Bernard Bonange, formateur en médiations corporelles, docteur en Sciences de l’Education
- Joël Clerget, psychanalyste, écrivant
- Ivan Darrault-Harris, professeur émérite en Sciences du Langage, Centre de Recherches sémiotiques, Université de Limoges, formateur de rééducateurs (IUFM de Tours)
- Jeannine Duval-Heraudet, superviseur, docteure en Sciences de l'Education
- Roland Gori, psychanalyste, professeur honoraire de psychopathologie des universités, essayiste
- Evelyn Granjon, pédopsychiatre, ancienne présidente de la Société Française de Thérapie Familiale Psychanalytique (SFTFP)
- Jean-Jacques Guillarmé, professeur de psychopathologie HDR, IEN ASH
- Alain Guy, Université Paris 8 Sciences de l’Education
- Bruno Hubert, professeur en Sciences de l'Education, Université de Lille, Faculté PsySEF, laboratoire Cirel
- Zarina Khan, philosophe, écrivain, metteur en scène
- Jean-Pierre Klein, psychiatre honoraire des Hôpitaux, docteur habilité à diriger des recherches en psychologie
- Sophie Marinopoulos, psychologue, psychanalyste, auteure du rapport ministériel " une stratégie nationale pour la Santé Culturelle", fondatrice des lieux d'accueil "Les Pâtes au Beurre"
- Jacques Marpeau, auteur sur les questions d'éducation
- Nicole Martin, psychanalyste, formatrice honoraire à l'IUFM de Paris des enseignants spécialisés
- Maryse Métra, psychologue de l’enfance et de l’adolescence, formatrice
- Corinne Moy, rééducatrice de l'Education Nationale, formatrice INSPE Paris, docteure en Sciences de l'Education
- Serge Pittiglio, formateur à l'INSPE de Nantes, psychologue clinicien, docteur en psychologie
- Eric Plaisance, professeur émérite en sciences de l'éducation, Université Paris Cité, professeur invité à l'Université de l'Etat de Rio de Janeiro – UNIRIO
- Elisabeth Roudinesco, historienne (HDR), présidente de la Société internationale d’histoire de la psychiatrie et de la psychanalyse (SIHPP)
- Serge Tisseron, psychiatre, docteur en psychologie et écrivain