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Le vent, la poudre aux yeux et l'enfumage

Un bilan des états généraux de la violence à l'école  

Après plusieurs jours de rencontres et de débats, malgré les compétences évidentes d'Éric Debarbieux sur le sujet, le ministre a annoncé ce qui était déjà probablement décidé avant les États généraux.

 
Le vent de plusieurs mesures totalement inutiles et pourtant incroyablement violentes, et bien marquées idéologiquement à droite :
   La suppression des allocations familiales vise à mettre en cause les familles pauvres et nombreuses, avec un retour marqué de la stigmatisation des « classes dangereuses ».
   La création de postes de « préfet des études » comme dans les établissements jésuites, comme si l'existence d'une police interne à l'établissement pouvait se substituer efficacement au travail des Conseillers d'éducation, des surveillants. Avec le renforcement des équipes mobiles de sécurité, de la vidéo surveillance, c'est l'aspect éducatif qui s'effondre au profit d'une vision « tout sécuritaire »
   Le placement des jeunes « violents » dans des « structures adaptées » dont on tait encore le nom... Un centre fermé ? Une prison pour collégien rétif ? Un bagne à Oléron ? Ou la réouverture de Cayenne....
 
La poudre aux yeux du « recrutement des équipes par les chefs d'établissement dans les collèges les plus difficiles ». Évidemment, si ces établissements sont difficiles il n'y aura pas beaucoup de candidats pour y aller... Et donc, on peut s'attendre à ce que les profs qui acceptent soient ceux qui n'auront pas le choix : des vacataires, des non titulaires, des débutants, c'est à dire exactement la même situation qu'actuellement, mais en plus précaire encore bref, alors que toutes les études prouvent (et en particulier les travaux d'Éric Debarbieux) qu'il faudrait au contraire des équipes stables et cohérentes et que pendant toute la rencontre, cela a été demandé par les gens du terrain.
 
La poudre aux yeux d'une formation des jeunes enseignants à la violence, alors que justement, ce même gouvernement vient de supprimer avec la « masterisation » la totalité de formation professionnelle des enseignants. Une formation superficielle est donc prévue, et elle portera sur des principes idéologiques réactionnaires et obsolètes.
 
L'enfumage autour du nouveau programme « CLAIR » pour les établissements jugés les plus difficiles c'est-à-dire de la création d'une nouvelle carte des difficultés des établissements, non plus basée comme les ZEP sur les difficultés sociales, mais sur la violence scolaire (un nouveau programme de recherche vient d'être lancé, qui tombera pile à point pour déterminer les 100 établissements qui seront élus), et qui va se substituer aux ZEP actuelles, dont les avantages avaient déjà été » bien rognés. Il est à prévoir la disparition rapide du label ZEP, de la prime versée aux enseignants qui y exercent et du taux d'encadrement allégé des élèves. Contrairement aux affirmations de Debarbieux, le programme CLAIR ne sera pas une avancée, car 100 établissements « pilotes » ne suffiront pas à masquer les milliers d'écoles, de collèges et de lycées qui manqueront de l'essentiel.
 
Face à cette mascarade, il faut affirmer que :
   La violence est d'abord une violence sociale, qui attaque les enfants, les adolescents et leurs parents : mal-logement, chômage des parents, difficultés sociales, précarité et horaires de travail incompatibles avec une vie familiale. Cette violence, qui s'exerce sur eux dès le plus jeune âge, les éduque à la violence.
   La répression n'est pas une solution. Surveiller et punir, écrit il y a plusieurs décennies par Michel Foucault, l'explique clairement. On ne peut pas faire fonctionner des établissements scolaires dans une terreur organisée, car l'échelle de la «violence» s'ajuste toujours à l'échelle de la répression. Plus celle-ci sera violente, plus elle formera des adolescents violents et résistants.
   La stabilité des équipes (et donc la titularisation de l'ensemble des personnels des établissements, l'arrêt du recours aux vacataires), est un enjeu décisif qui suppose sans doute de trouver des avantages réels à travailler dans les établissements problématiques et une véritable réflexion pédagogique pour changer la donne.
   Avoir le temps nécessaire pour travailler ensemble, l'argent indispensable pour fonder des projets avec les élèves, la dotation convenable pour pouvoir faire des demi-groupes, des ateliers de travail par projet : beaucoup de bonnes solutions ont été proposées par les acteurs de terrains, élèves, enseignants, mouvements pédagogiques. Mais dans un contexte où l'unique objectif, c'est de faire baisser à tout prix le nombre de fonctionnaires, de précariser un maximum de personnels, de faire diminuer les coûts sociaux pour faire flamber les profits, aucune n'a été retenue.
   Comme pour les « nouveaux programmes », la réforme du lycée, ou la « masterisation », les acteurs ne sont « consultés » que pour masquer le désengagement de l'État de l'école publique. De nouveaux « plans » ne sont mis en avant que pour enrober les disparitions massives de postes et la précarisation galopante des personnels. À tous les étages, l'école publique est en danger.
Précisément dans les quartiers les plus pauvres, là où le désengagement est déjà le plus avancé, on en voit crûment les conséquences : la violence des ados est là, pour rappeler à tous que nous vivons dans une société qui ne va pas bien, qui détruit leur avenir en laissant quelques-uns se goinfrer avec les ressources de la planète, et qui les laisse sans espoir de progrès social.  
Avril 2010