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Une circulaire peut en cacher d'autres

Avril 2006

Depuis plusieurs mois, le terrain se préparait minutieusement : jeter le doute dans l’opinion publique,apeurer les parents,valoriser certaines pratiques pédagogiques...

Le traitement médiatique des événements de novembre 2005, renforçant ces peurs et ces doutes,a permis de stigmatiser davantage une partie de la jeunesse et de ses enseignants.

Les annonces quotidiennes de différents ministres constituant une véritable propagande gouvernementale,l’opinion publique ainsi conditionnée pouvait recevoir et applaudir la circulaire de Gilles de Robien.

Imposer une méthode d’apprentissage est déjà en soi un déni d’éducation, réduisant l’acte d’enseigner à un simple geste d’exécution et la classe à une somme de techniques et de recettes.

Mais lorsque cette méthode vise l’asservissement, l’assujettissement, la docilité de la jeunesse, nous sommes bien dans la propagation d’une idéologie politique écrasant toute espérance d’émancipation par l’éducation.

Des méthodes d’apprentissage où l’enfant est chercheur à celles où l’enfant est dressé, le choix idéologique est limpide : lui refuser dès le plus jeune âge de penser, lui ôter le désir de questionner, de comprendre, de connaître, lui imposer une obéissance passive en le contenant par des exercices répétitifs et mimétiques qui réduisent d’autant les temps de création et d’expression.

Au-delà de l’apprentissage de la lecture, il s’agit bien d’une volonté d’agir sur les capacités réflexives et complexes de compréhension du monde de toute une jeunesse.

Une jeunesse qui déchiffre et une jeunesse qui lit : l’école publique affiche sa séparation. Pour les uns, un minimum garanti, un « socle commun » et pour les autres, les fameux « héritiers », la transmission culturelle par la famille, l’école et les activités culturelles privées, les cours particuliers...

Les jeunes des milieux populaires sauront tous déchiffrer ! Oui, au moins les programmes de télévision, la publicité et autres messages utiles à la consommation.Ces jeunes ne rencontreront que des textes simples,utilitaires et quelques textes littéraires distribués au comptegoutte.

Pour renforcer l’élite et se donner bonne conscience, les meilleurs d’entre eux auront accès aux lycées des « héritiers » et aux grandes écoles.

La méthode syllabique apporte également un sérieux atout économique !

Pas la peine de réduire les effectifs ou de dédoubler des classes, s’il s’agit de faire répéter aux enfants en choeur des sons et des syllabes !

Les récalcitrants,puisque tout sera fait à l’école,seront traités au cas par cas dans les programmes de réussite éducative en contractualisant les familles qui devront prendre en compte l’échec de leur enfant et accepter la rééducation et l’orientation comme allant de soi.

Les solutions préconisées ne coûteront rien à l’Éducation nationale puisque déléguées au secteur privé : orthophonistes, soutiens scolaires, formations à distance, éditions scolaires et parascolaires...

On est bien loin de l’école publique, laïque et gratuite pour tous !

M.de Robien est bien conscient que sa circulaire sur la lecture entre en contradiction avec les programmes de 2002, c’est pourquoi il a annoncé qu’ils seront changés car... trop chargés.

D’autres programmes ?

Le gouvernement commence par la méthode de lecture,emblématique de cette propagande politique et idéologique.

Mais qu’arrivera-t-il à l’enseignement des mathématiques, de l’histoire, des arts... ? Ils ne pourront pas demeurer des espaces de mise en oeuvre de la pensée.

A quand le déchiffrage numérique, historique, musical, pictural, ... avec répétition et mémorisation des éléments décrétés les plus « rentables » et extraits de leur globalité ?

Qu’adviendra-t-il de l’idée de transversalité, de complexité ?

D’autres circulaires ?

Et pourtant, dans des contextes défavorables, sans la moindre mixité sociale et scolaire, les jeunes pour leur grande majorité apprennent à lire et ne déchiffrent pas, ils lisent !

Nous n’appliquerons pas la circulaire du Ministre sur la lecture !

C’est pourquoi nous poursuivrons notre pédagogie émancipatrice, ligne d’action, chemin dans lequel nous sommes si fortement engagés et qui a fait ses preuves.

Pour le CA de l'ICEM, Catherine Chabrun, présidente