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L'image, un langage fondamental

Septembre 2004

Dans notre culture, l’enseignement se fait toujours dans l’opposition entre « écriture » et « image » et cela au mépris de la diversité des modes d’appréhension du monde, de construction de soi et d’acquisition de la connaissance dont l’étude fait pourtant les êtres libres. Nous vivons dans le mythe d’une écriture désincarnée, débarrassée de l’impureté matérielle de l’image.
Avec Bachelard qui démontre l’incontournable nécessité de la création d’image dans La formation de l’esprit scientifique mais aussi avec Barthes dans La passion du signifiant qui restitue à la langue sa qualité de trace graphique ou sonore, l’ICEM ne veut pas non plus aller dans le sens de cette opposition.
Ce n’est cependant pas le sentiment de ceux qui ont la responsabilité des orientations de l’éducation nationale,ceux qui,pour remédier à la faillite de l’école dans ses missions, ont encore recours au sempiternel savoir « lire, écrire et compter » excluant l’image de ces savoirs dits  fondamentaux. Parions que le texte lui-même sera dans une telle optique réduit à ses fonctions minimales de communication, loin de la littérature.
L’image n’en demeure pas moins l’arme suprême au service du pouvoir, comme elle l’était déjà au Moyen-Age sur les portails des églises destinée à conditionner les fidèles. Les puissants s’accommodent encore volontiers de son pouvoir de fascination, la mettant au service de la « société du spectacle », du « divertissement » afin que la masse reste laborieuse, docile et facile à manier.
B. Darras dans son ouvrage manifeste Au commencement était l’image dit que « Tout se passe notamment comme si l’on ignorait l’impact de l’image sur la mémorisation et le traitement de l’information ». Ainsi, avec la pensée visuelle et l’intelligence figurative que l’on méprise,c’est tout le travail des peintres,des sculpteurs, des scénographes, des architectes, de tous les regards critiques et « inventeurs de formes » qui sont renvoyés sagement aux domaines du sensible,du goût, de la virtuosité,de l’affectif,du décoratif (au sens du beau inutile) contre la pensée...
On reste résolument du côté du mythe de la caverne qu’énonce Platon, loin de la déconstruction des systèmes de l’illusion et des trucages.
Mettre l’image dans le domaine de la pensée et du travail, c’est ce que Freinet a fait en pionnier en introduisant le journal scolaire, le texte et le dessin libres, la correspondance scolaire, les petits films réalisés par les enfants (en 1920) avec la toute nouvelle caméra de l’entreprise Pathé. Il note au sujet du cinéma que « il suffit parfois de quelques images prodigieusement expressives et profondes pour faire saisir globalement des rapports et des pensées que l’école poursuivait en vain. »
Pour que les enfants s’approprient le monde dans sa globalité,dans sa complexité, dans la mise en oeuvre de leur expression personnelle,Freinet a toujours été attentif à leur donner accès aux outils les plus adaptés, et aux techniques nouvelles, du côté du texte comme de l’image.
Le dossier présenté ici témoigne de réponses actuelles du mouvement Freinet, à cette nécessité d’amener les enfants à trouver leurs repères critiques dans un univers d’images de plus en plus complexe.
Et n’oublions surtout pas l’outil que constituent nos revues documentaires qui sont irremplaçables dans la formation de l’esprit critique. Revues issues de la Bibliothèque de Travail de Freinet dans lesquelles les enfants trouvent par l’édition le moyen de finaliser une production de classe comme de vrais journalistes ;
où cet autre outil qu’est Créations dont l’équipe a décidé, en plus des articles qui viennent de vos classes, de proposer des espaces libres pour que les enfants s’en emparent et aillent encore plus loin dans la conception d’images.