Raccourci vers le contenu principal de la page

logo ressource btn Les dinosaures de Coisia dans le Jura

Niveau de lecture 3
Dans :  Sciences et Techno › 
Novembre 2007

Enfouis depuis près de 150 millions d’années, d’importants indices de présence de grands dinosaures herbivores ont été découverts pendant l’année 2004, dans la Petite Montagne jurassienne, sur la commune de Coisia.

Un jeune garçon, passionné - comme beaucoup d’enfants de son âge - par ces grands reptiles de l’Ere Secondaire, pensait avoir reconnu sur la paroi rocheuse des traces de pas de dinosaures, suite à des travaux d’élargissement de la route départementale D 60 E entre Coisia et Cornod.
I
l a rencontré alors le scepticisme des adultes et des élus, qui s’inquiètaient en outre des risques d’interruption du chantier !

Empreintes de dinosaures à Coisia ►

Empreinte de dinosaure à Choisia

La découverte

Thibaut Mottet a l’œil. A 11 ans, il habite à Coisia à quelques centaines de mètres du site. Un soir qu’il se balade sur la route au-dessus du village, il remarque sur la paroi rocheuse des sortes de gros pas d’animaux.
«C’était un soir. J’ai vu ça et, je ne sais pas pourquoi, ça m’a fait tilt ! J’adore les dinosaures et je me suis dit que ça pouvait être des empreintes… Je l’ai dit aux gens… Mais sur le coup mes parents ne m’ont pas cru».
Quelques semaines plus tard, Christian Gourrat, président de la Société des Naturalistes d’Oyonnax identifie vraiment les empreintes. «Monsieur Gourrat avait des connaissances que je n’avais pas. Moi, je n’étais sûr de rien». 
Peu après, ces empreintes (appelées Parabrontopodus) sont identifiées par la Société des Naturalistes1 d’Oyonnax, comme des traces de dinosaures de type Sauropode, proches des Diplodocus. Ces dinosaures de grande taille au long cou doté d’une petite tête sont des herbivores. Ils peuvent peser 20 à 30 tonnes, voire plus, et mesurer 20 à 30 mètres de long. 

La loi prévoit une obligation de déclaration en cas de découverte fortuite de vestiges2 archéologiques. Pour les vestiges paléontologiques3, c’est plus délicat et il faut démontrer leur importance majeure. Si la découverte est occasionnée par un chantier de travaux publics ou privés, les travaux doivent être interrompus, le temps que des expertises4 scientifiques soient réalisées. Le cas échéant, des fouilles doivent être effectuées et les vestiges peuvent être conservés et mis en valeur. Un arrêt imprévu de chantier est un coup dur pour une entreprise, une commune, même pour une collectivité importante. Les délais imposés par les fouilles et les expertises scientifiques peuvent parfois être assez longs, ce qui augmente de façon souvent importante le coût du chantier. C’est pourquoi, pendant longtemps, les vestiges archéologiques et paléontologiques ont souvent été ignorés et détruits. Même avec la protection légale actuelle, il reste beaucoup à faire pour que ce patrimoine soit réellement préservé. Peu de gens sont conscients que les découvertes archéologiques et paléontologiques, rares et souvent uniques, sont importantes pour notre connaissance du passé.

 

1- naturaliste : spécialiste des sciences naturelles (biologie, zoologie, botanique, géologie, paléontologie, minéralogie)

2- vestige : trace du passé plus ou moins lointain (ruines de bâtiment, traces dans le paysage, objets anciens, animaux fossiles…)

3- paléontologie : étude scientifique des restes d’organismes (animaux et végétaux) aujourd’hui disparus qu’on ne connaît plus que sous la forme de fossiles

4- expertise : étude scientifique destinée à déterminer si les vestiges ont une importance


Le lieu

Le site est en partie sur le tracé de la route.
Ce gisement fossilifère5 présente un intérêt scientifique national important, puisque Coisia est le seul site préservé de cette période, le Tithonien, étage géologique du Jurassique daté de 150 millions d’années.

Pour dater les périodes sédimentaires6, géologues et paléontologues examinent les différentes couches du sous-sol. Ces couches correspondent à des dépôts sédimentaires qui contiennent des fossiles caractéristiques. On distingue, de 540 à 250 millions d’années l’Ere primaire, l’Ere secondaire (ère des dinosaures) qui s’étend de 250 à 65 millions d’années, puis le Cénozoïque marqué par l’essor des mammifères, qui est composé de l’Ere tertiaire et de l’Ere quaternaire. L’Ere secondaire comprend trois périodes géologiques distinctes : Trias, Jurassique et Crétacé. Le Jurassique tire son nom des calcaires riches en fossiles du massif du Jura.

Au temps des dinosaures

Au Jurassique, du fait de la dérive des continents, l’Est de la France était géographiquement situé à la latitude actuelle de la Tunisie et connaissait vraisemblablement un climat quasi tropical. On peut donc s’imaginer en présence d’une mer chaude, de faible profondeur, avec des lagunes, des bancs de sable, de vase et des terres faiblement émergées avec une végétation localement luxuriante. Les troupeaux de dinosaures herbivores, à la recherche de nourriture, circulaient sur ces rivages, y laissant leurs traces enfoncées dans la boue. Pour être ainsi bien conservées, ces traces ont dû sécher au soleil, puis avec la fluctuation du niveau de la mer ont dû être recouvertes par des sédiments très fins. Ces dépôts se sont accumulés pendant des millions d’années. Ils ont progressivement durci pour former les roches résistantes que nous connaissons aujourd’hui.

Les dinosaures, de la mer à la montagne

Il y a environ 30 millions d’années, bien après la disparition des dinosaures, la plaque continentale africaine vient à la rencontre de la plaque eurasienne. Les couches sédimentaires, qui s’étaient déposées horizontalement, sont comprimées et commencent à se déformer et à se plisser légèrement. Ce phénomène s’amplifie pour atteindre son stade maximum il y a environ 12 millions d’années. Le soulèvement des Alpes entraîne alors la formation du Jura avec ses plissements caractéristiques et ses plateaux; ce mouvement, appelé « orogenèse » se poursuit encore aujourd’hui. Voilà pourquoi les empreintes de pas de dinosaures se situent sur une dalle rocheuse redressée presque à la verticale actuellement.

Le premier chantier de fouilles

En juin 2006, un chantier de sauvetage a eu pour objectif la sauvegarde des vestiges et données scientifiques, avec un moulage et un relevé laser du site de Coisia, ainsi qu’une étude géologique approfondie. Des spécialistes du moulage ont réalisé sur place le travail nécessaire pour reproduire une partie des empreintes à taille réelle. Ils ont soigneusement rebouché les petites fissures de la dalle calcaire avec du papier mâché, puis ont réalisé différentes opérations techniques (silicone, résine…) sous le regard étonné des habitants du village et des visiteurs de passage. Ce moulage de 20 m² et qui a déjà connu un joli succès auprès des visiteurs et des médias accompagne désormais une petite exposition promptement réalisée pour montrer l’importance du site. Un relevé précis des empreintes, au laser, a été effectué afin de faciliter l’étude et l’interprétation du site.

 

5- fossilifère : riches en fossiles

 

6- couches sédimentaires : sables, vases calcaires ou argileuses accumulés en milieu aquatique (mer, lac, cours d’eau) 



Empreinte de dinosaures à Coisia ►

D’autres sites pourraient être découverts lors de travaux de grandes infrastructures (projet de ligne de chemin de fer à grande vitesse par exemple) ou avec l’exploitation de carrières de calcaire. Il faut souhaiter, compte tenu du grand intérêt scientifique et touristique de ces sites, que les vestiges ne soient pas escamotés ou volontairement détruits comme ce fut parfois le cas dans le passé, par ignorance ou par peur de devoir arrêter les chantiers pour étudier ce patrimoine.
Témoins miraculeusement préservés de la lointaine histoire géologique du Jura, patrimoine fragile et non renouvelable, les sites à pistes de dinosaures attirent tous les publics désireux de connaître les dinosaures et les méthodes de travail des paléontologues qui font parler le passé.
 

Nota bene (2009)
De nouveaux sites ont en effet été repérés après Coisia dans le Jura ; en particulier, de nombreuses empreintes de dinosaures auraient été repérées dans la commune de Plagne.
(annonce dans la Presse : 6 octobre 2009. Voir lien / Le Progrès ci-dessous)

 Empreinte de dinosaure à Choisia

 

Ressources et bibliographie: 
http://www.leprogres.fr/fr/article/2053569,177/De-gigantesques-traces-de...
Crédit iconographique : 
Photos : Annie Dhénin