
Qu'est-ce que la " Pédagogie Freinet " ?
Comment enseigner ? Quelles sont donc les grandes idées de la « Pédagogie Freinet » ? Pourquoi et comment se sont-elles peu à peu construites ? Qui utilise aujourd’hui ces méthodes, en France et dans le monde ?
Quelles sont donc les grandes idées de la «Pédagogie Freinet» ? Pourquoi et comment se sont-elles peu à peu construites ? Qui utilise aujourd’hui ces méthodes, en France et dans le monde ?
L'expression libre des jeunes, la correspondance entre classes, le journal scolaire, le plan de travail individuel, les fichiers et livrets auto-correctifs, les conférences d'élèves (ou exposés), les décisions coopératives concernant la vie de la classe: toutes ces pratiques éducatives suivantes ont toutes été introduites par un instituteur nommé Célestin Freinet (1896-1966)*, au fil de son travail avec ses élèves.. |
* Sur la vie de Freinet, voir la page «Quelques dates dans la vie d'un pédagogue», ou l’article «Célestin Freinet, les combats d'un pédagogue». |
Les grandes idées de la Pédagogie de Célestin Freinet |
|
À la recherche de méthodes naturelles d'apprentissage Depuis le début, Freinet a cherché à relier les apprentissages scolaires aux besoins réels des enfants. En 1934, à l'époque de la construction de son école de Vence, sa propre fille Madeleine est en âge d’apprendre à lire et à écrire. Au lieu de lui donner des leçons traditionnelles, il laisse l'enfant passer insensiblement de ses dessins commentés et de l'écriture des noms qu'elle connaît à l'invention de petites histoires. Freinet conserve tous ses essais, puis il rédige après la guerre une brochure qu'il intitule Méthode naturelle de lecture. Il montre ensuite que le même type d’évolution existe pour le dessin des enfants, depuis leurs premiers gribouillis jusqu'à des croquis très élaborés. La condition essentielle est de ne pas leur imposer de modèle, de les inciter à s'exprimer souvent en échangeant avec les autres. Freinet généralise alors la démarche en montrant que le tâtonnement expérimental est à la base de tous les apprentissages. Cette démarche paraît moins rapide que les apprentissages systématiques, mais ce n'est qu'une apparence. |
Quelques « gros mots » de la Pédagogie Freinet
.méthode naturelle .tâtonnement expérimental |
Du dessin libre à l'art enfantin
Comme pour les textes libres, il ne faut plus imposer de sujet, mais aussi, introduire d'autres techniques de travail. Pour amplifier le geste, on fait peindre sur de grandes surfaces, et comme les classes ne sont pas riches, elles utilisent de la gouache en pot sur des papiers d'emballage. L'important est d'afficher les créations et d'en discuter, de les échanger avec d'autres classes.
En 1955 est organisée une exposition de dessins libres d'enfants camerounais dont le directeur avait enseigné à l'école de Vence. En 1959, quand Élise Freinet crée la revue L'Art enfantin*, elle reçoit les encouragements d'artistes comme Cocteau, Lurçat, et Dubuffet.
" Le Petit Prince et le Géographe ". Préparation d'un plan |
expression libre : À l'école de Freinet à Vence, les gradins du théâtre de plein air sous le regard des grandes statues.
* La revue L'Art enfantin est devenue ensuite : Art enfantin et Créations, puis Créations. |
De la documentation pour les enfants Les enfants de 7 à 10 ans éprouvent des difficultés à travailler avec les BT, malgré certains numéros destinés plutôt aux petits. C'est seulement en 1965 qu'ils obtiennent une revue qui leur est réservée, la BT Junior (BTJ). Les adolescents des lycées attendront 1968 pour trouver avec BT2 une collection qui convienne à leurs besoins et à leurs intérêts. Une longue et belle aventure documentaire |
Documentation Recherche documentaire |
Du travail individualisé à la programmation
Pour Freinet, la démarche naturelle par tâtonnement expérimental doit être renforcée par des exercices plus systématiques qui assureront la pleine maîtrise. Après la guerre, la CEL publie, pour tous les niveaux de l'école primaire, des fichiers d'opérations, de problèmes, de géométrie, d'orthographe et de conjugaison. Des fiches-guides sont éditées pour faciliter les recherches en sciences, géographie, histoire: pour répondre aux besoins des classes nombreuses où l'on voudrait éviter les déplacements fréquents pour changer de fiche de travail, sont créés des cahiers auto-correctifs personnels. |
Fichiers auto-correctifs |
Conscient de la pauvreté des écoles, il recherche un matériel simple et met au point une boîte enseignante où l'on déroule, séquence après séquence, une bande programmée imprimée. Il estime que, grâce à cet outil, les enseignants, libérés de l'obsession des apprentissages, feront davantage confiance à l'expression libre et aux tâtonnements des enfants. Mais l'important est de concevoir des programmes intelligents et, pour cela, il réunit chaque été des enseignants bénévoles qui prépareront de nouvelles bandes programmées.
Par la suite, la boîte enseignante se révèle moins pratique que des livrets programmés, peu encombrants et moins coûteux. Actuellement, le développement des micro-ordinateurs, qui a réduit l'encombrement des machines et leur prix, pose autrement le problème de la programmation des apprentissages. La position de Freinet reste pourtant valable : l'informatique est une technique utile en pédagogie, mais il serait illusoire de croire qu'elle permettra de se passer des éducateurs. |
|
Organisation coopérative de la classe... … et responsabilité personnelle Freinet veut remettre en question l'autorité absolue de l'enseignant, telle qu'il l'a connue dans sa jeunesse. Du haut de l'estrade sur laquelle trône son bureau, celui-ci est seul détenteur de la parole, sauf quand il demande une réponse aux questions qu'il pose. Tous les élèves doivent en même temps accomplir les rites scolaires : écouter le cours, lire le même texte, faire au même moment l’exercice imposé. En dehors des récréations, toute communication entre enfants est considérée comme bavardage ou copiage, donc interdite. La seule relation entre élèves est la compétition, matérialisée par le classement (et parfois symbolisée par la médaille d'honneur ou le bonnet d'âne). Freinet ne veut pas renoncer à son rôle d'adulte qui aide les plus jeunes de son expérience mais, abandonnant l'estrade, il s'installe au niveau des enfants, comme cela se passe dans la vie courante. Des moments d’échanges sont institués (entretien du matin, présentation et choix du texte à imprimer, mise au point collective, comptes-rendus d'enquêtes ou de recherches personnelles). |
.vie coopérative
.Entretien du matin . Quoi de neuf ? |
Individuellement, chaque élève prépare en début de semaine son plan de travail et on fera collectivement le bilan de ce qui aura été réalisé. Reste le problème de l'évaluation finale, généralement caractérisée par un examen global où les candidats jouent leur année à quitte ou double. Freinet conteste la validité des examens qui finissent par devenir l'objectif unique de l'enseignement. Sous le nom de brevets de spécialité, il propose des évaluations partielles mais rigoureuses que les élèves passent tout au long de leurs années de scolarité. Le refus de toucher au caractère tabou des examens a empêché d'approfondir et de généraliser une logique nouvelle de l'évaluation qui définirait les multiples capacités réelles de chaque jeune. Devant l'impasse actuelle de diplômes ne débouchant sur rien, il faudra bien un jour accepter la démarche proposée par Freinet. . Plan de travail Évaluation Brevets |
Comment préparer chacun son plan de travail en début de semaine
|
Un mouvement national et international d’enseignants C'est grâce à la constitution d'un réseau coopératif entre enseignants que Freinet a permis aux pratiques éducatives d'évoluer. L'isolement de l’enseignant dans sa classe, sous le poids des règlements et de la hiérarchie administrative, fait place à un échange permanent où chacun peut communiquer ses initiatives, ses réussites, sans honte à parler aussi de ses difficultés. Des stages, des rencontres, des travaux de commissions, des réunions départementales servent à compenser les insuffisances de la formation des enseignants, souvent limitée aux connaissances à faire acquérir, en ignorant comment donner envie aux jeunes de se les approprier. Autour de Freinet, au sein de l'ICEM (Institut coopératif de l'École moderne), des milliers d'enseignants, depuis la maternelle jusqu'à l'université, se sont unis pour mieux surmonter les problèmes qu'ils rencontraient et transformer profondément le travail scolaire. Leur principale revendication est la possibilité de mieux travailler en équipe dans leur établissement. Cette coopération ne se limite pas à la France. C'est pour consacrer cette réalité d'un mouvement international que Freinet propose en 1957 la création de la Fédération internationale des mouvements d'École moderne (la FIMEM) qui réunit tous les mouvements nationaux autonomes travaillant dans la même perspective. On peut affirmer que Freinet est le pédagogue français le plus mondialement reconnu et l'UNESCO s'est associé en 1996 aux manifestations pour le centenaire de sa naissance. |
Stages et congrès continuent à réunir de nouvelles générations d'enseignants de tous niveaux (de la maternelle à l'IUT)
|
La recherche d'un approfondissement théorique En 1959, Freinet crée une nouvelle revue, Techniques de vie, dont le sous-titre « Les fondements philosophiques des techniques Freinet » annonce l'ambition. Il voudrait établir un lien avec des universitaires, des chercheurs, mais le dialogue ne se noue pas vraiment. En 1963, il propose à des volontaires un cours par correspondance où l'on tenterait d'approfondir l'esprit de la pédagogie, pour éviter de se limiter à une simple application des techniques. Au début de 1966, il remet en chantier une réflexion sur le tâtonnement expérimental. Hélas ! sa santé l'empêche de terminer. Une première attaque lui interdit de participer au congrès de l'ICEM à Perpignan, à Pâques 66. Après un rétablissement de quelques mois, Freinet s'éteint le 8 octobre. Il avait demandé à être inhumé dans son village natal. Après soixante-dix ans, la boucle est refermée. |