Matin, 8 heures. Un "instit" malade et plus de remplaçants. Une situation banale désormais car le remplaçant est devenu un animal sauvage, rare dont la disparition totale est à craindre.
Même matin, 8 h 15, un autre "instit" en panne de voiture sur l’autoroute. Il attend la dépanneuse et vient dès que possible.
Mais peut-être qu’avec deux classes sans "instit", tout de même un petit remplaçant pourrait venir ? Espoir.
Alors ne pas répartir les élèves. Attendre un peu. Trouver, trouver vite une idée, un petit projet vite fait… Il y a des jours où on ne se sent pas pédagogue.
Je viens de recevoir, dans un journal, (mais lequel, mystère, sans doute enfoui sous la pile du travail non fait de mon bureau) l'annonce d'un «concours» sur les droits de l’enfant : il faut faire un portrait et laisser une bulle pour expliquer les droits de l’enfant. Il y aurait ensuite, je ne sais où une exposition.
J'invite tous les enfants à s’installer dans la cantine, à prendre des feuilles, des crayons pour dessiner un portrait, à bien prévoir l’espace de la bulle, puis à mettre en couleur avant de venir « choisir un droit ». Je vais dans mon bureau imprimer vite fait la liste des droits sur le site des Francas * pour qu’on n’en n’ oublie aucun.
Les enfants partis dans la cantine, je retourne dans mon bureau car le travail en retard est mon lot quotidien.
L'un après l’autre, ils viennent avec des portraits colorés, au feutre, à la craie grasse, au crayon de couleur et choisissent «leur droit».
Sur l’instant, je ne mesure pas la portée de leur choix.
Puis, lorsque les premiers ont terminé, je prends le gros dévidoir à scotch de mon bureau et j’utilise les vitres de l’école comme «sous verre» pour exposer les travaux qui ne seront visibles que de la cour de récréation.
L’éternel hésitant prend une troisième feuille pour tout recommencer lorsque "l’instit" en panne de voiture revient. Avant qu'il ne reparte dans sa classe avec ses élèves, je suggère d’ajouter ce travail au plan de la semaine. Quant à moi, je continue à scotcher, avec application, mais sans regarder avec attention, les travaux et les droits. Bon, voilà le dernier qui arrive, celui qui a recommencé trois fois. Mais des droits, il n’y en a plus. Tout a été déjà pris. Je lui propose alors de choisir celui qu’il veut puisque plusieurs enfants peuvent illustrer le même droit. Je me rends compte à ce moment que la classe qui est restée avec moi a épuisé l’ensemble des droits méthodiquement. Ai-je dit qu’il fallait faire ainsi? Je ne sais plus. Sous le poids des multiples tâches administratives , ma mémoire perd parfois le fil de l’action.
Donc, le petit dernier me dit : «Je peux inventer un nouveau droit?». Après tout, pourquoi pas. Et lui, qui souvent ne l’est pas et dont les frères et sœurs ne le sont pas souvent non plus, écrit dans la bulle : J’ai le droit d’être sage.
On va coller ensemble le dernier dessin, puis je l'accompagne dans une classe, comme j’ai réparti tous les autres enfants. J'observe l’exposition ainsi obtenue.
Je suis frappée par la force des dessins pourtant simples et par les choix des enfants:
J’ai le droit à un petit peu de respect par l'enfant dont le père est si violent
J'ai le droit de donner mon avis par l’enfant adoptée
J’ai le droit à une identité par l’enfant qui ne porte pas le nom de son père biologique
Jai le droit d’être protégée par la police par l’enfant tamoule sans papier
Jai le droit à un logement décent par la petite, dont la mère a combattu trois années durant pour obtenir un F4 alors qu’elle a quatre enfants.
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J'ai le droit de m'amuser.
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J'ai le droit d'aller à l'école et d'apprendre.
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J'ai le droit
d'avoir une identité.
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J'ai le droit de jouer.
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J'ai le droit
d'avoir une maison.
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Personne n'a le droit
de maltraiter un enfant.
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J'ai le droit d'être
à l'abri de la misère
et des maladies.
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J'ai le droit de jouer.
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J'ai le droit de travailler
et de construire ma vie.
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J'ai le droit de vivre
avec mes parents.
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J'ai le droit d'être
protégée par la police.
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J'ai le droit d'avoir
un peu de respect.
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J'ai le droit de
faire du sport.
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J'ai le droit de jouer.
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