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En Chantier n°3 : Les Amérindiens des Antilles

Aux élèves de 3ème A du lycée Philippe de Commynes de Tours :
Merci pour vos réponses aux questions posées par En chantier n°1, pour lesquelles je vous propose des commentaires et voici également mes réponses (dans le désordre) à vos questions parues dans En chantier n° 2.
 
L’origine des Amérindiens

Plusieurs d’entre vous ont évoqué le passage de populations asiatiques vers l’Amérique par le détroit de Béring pendant la dernière période glaciaire. C’est toujours le scénario qui semble le plus juste, même si les dates que vous indiquez varient selon les devoirs. C’est normal, puisque les recherches archéologiques sont toujours en cours et donnent des résultats souvent contestés. Jimmy et Alexandre évoquent même la récente et passionnante hypothèse d’une colonisation européenne de l’Amérique pendant la dernière glaciation : il est trop tôt pour en dire plus, même si les hommes préhistoriques du Périgord qui entreprennent la traversée de l’Atlantique au milieu des icebergs, ça fait rêver !
Les Amérindiens étaient donc des Asiatiques, mais comme leurs voisins, Amérindiens du Canada et des Etats-Unis, les Peaux-Rouges d’Amérique du Nord, ils se peignaient le corps et le visage en rouge C’est d’ailleurs pour cela que plusieurs d’entre vous ont confondu les Amérindiens des Antilles et ceux d’Amérique du nord. Une carte s’impose ! Elle vous permettra aussi de constater que les Antilles sont très au sud, entre le tropique du Cancer et l’équateur, qu’il y fait toujours chaud, qu’on y distingue des saisons plus par rapport à la quantité de précipitations qu’en raison des températures. Najoua et Justine précisent qu’aujourd’hui, on y cultive la canne à sucre. C’est pour ces plantations que l’on commence à faire venir des esclaves d’Afrique en grand nombre, à partir de 1619, précisent Loïc et Pierre. Ces esclaves vont se révolter et se libérer en 1791 à Saint-Domingue *, qui va devenir la république noire d’Haïti en 1804. Dans les autres îles colonisées par la France, ils ne seront affranchis qu’à partir de 1848. Les îles, surtout les plus grandes, Cuba et Saint-Domingue, ont été vidées de leurs habitants un siècle plus tôt et elles ne sont plus parcourues que par quelques européens qui chassent et vendent la viande aux équipages, souvent pirates, lorsqu’ils s’arrêtent obligatoirement pour l’aiguade, c’est-à-dire le ravitaillement en eau fraîche. Flibustiers est l’autre nom donné à ces pirates qui attaquent les bateaux rentrant en Espagne, chargés de l’or et des pierres précieuses du Nouveau Monde : le Mexique et le Pérou. Les boucaniers sont ces chasseurs qui peuplent les îles d’où ont disparu les Amérindiens. Les bêtes avaient été débarquées dans les îles par d’autres marins européens avant eux et s’y étaient multipliées. Ils boucanent, c’est-à-dire, ils fument à la fumée d’un feu de bois la viande de boeuf sauvage ou de chèvre posée sur un gril en bois qu’on appelle un boucan.

La population actuelle des Antilles

Les populations qui vivent actuellement aux Antilles ne sont pas amérindiennes mais elles sont composées des descendants métissés d’Amérindiens, d’Européens, d’Africains et même d’Indiens de l’Inde et de Chinois. En tout cas, à propos de l’expression courante mais un peu bizarre « gens de couleur », citée par Anastazi et Arlène, elle les différencie des blancs (mais le blanc est aussi une couleur !). Quant à leur langue, c’est un français parlé avec un accent prononcé, mais aussi avec des expressions, des tournures de phrase originales : on l’appelle le créole. Il faut aller sur le site passionnant du professeur canadien Jacques Leclerc, qui donne des exemples de différents créoles : www.tlfq.ulaval.ca/axl/monde/plan_du_site.htm
Sur ce site, vous en apprendrez encore plus sur les Garifunas, évoqués par Romane et Kheira, Julian et John, Anastazi et Arlène de la Dominique et de Saint-Vincent, où vivent encore les derniers descendants de Caraïbes et d’Africains qui avaient échappé à l’esclavage. Vous apprendrez aussi, pour chaque île, son ancien nom en langue arawak ou caraïbe.

Comment et pourquoi disparaît un peuple ?

On en arrive à la question suivante : comment et pourquoi disparaît un peuple ? On peut décrire ce processus pour le peuple taïno d’Haïti et de Porto Rico .
Comment ? Par la mort de la majorité de la population : épidémies, faim et épuisement dû au travail forcé aux champs et dans les mines d’or, massacres perpétrés par les conquistadores beaucoup mieux armés, et suicides. Le désespoir pousse les femmes à avorter ou à tuer leurs nouveaux-nés. Certains se jettent du haut des falaises ou absorbent du manioc cru, qui est un poison violent (il perd sa toxicité à la cuisson).

Pourquoi ? On appelle génocide une extermination programmée : Arméniens par les Turcs, juifs par les nazis, Tutsi par les Hutus comme l’écrivent Loïc et Pierre. Dans le cas des Taïnos des Grandes Antilles, on ne peut pas parler de projet d’extermination de la part des Espagnols qui avaient besoin de main d’œuvre pour exploiter les mines et les terres des grandes îles qu’ils venaient de découvrir. Mais le résultat de leur comportement brutal a été la disparition totale de ces peuples. En trente ans, 80%, peut-être 90% de la population taïno va disparaître. Au point qu’on peut parler, dans ce cas précis, de génocide : en effet, même si quelques individus survivent, ils sont trop peu nombreux pour transmettre leur culture. La culture, c’est l’ensemble formé par la langue, les comportements, les croyances… C’est tout ce qui fait que l’on forme un peuple.

Las Casas s’oppose à l’exploitation des Amérindiens

Preuve que leur disparition posait un problème, l’opposition qui se manifeste très vite en Espagne contre les mauvais traitements qu’ils subissent. Audrey et Sébastien, Romane et Kheira, Fabien et Evan, Julian et John ont rédigé la biographie de leur principal défenseur, Bartolomé de Las Casas . Ce sera aussi l’occasion de parler de l’évangélisation.
Bartolomé de Las Casas est né en 1474 à Séville. Après ses études de prêtrise, il s’embarque en 1502 pour Saint-Domingue où il est ordonné prêtre en 1513. Il reçoit de la Couronne espagnole une encomendia, c'est-à-dire une terre sur laquelle il peut faire travailler les Amérindiens, avec pouvoir de vie et de mort sur eux. Le pape avait en effet autorisé l’Espagne à s’approprier les terres du nouveau Monde à condition que les indigènes soient d’abord baptisés : cette conversion de païens à la religion catholique est appelée « évangélisation »
Mais dès 1514, Las Casas renonce à cette propriété, écoeuré par le comportement inhumain des autres colons espagnols. Il part ensuite pour Cuba où il assiste à des massacres qui l’épouvantent et contre lesquels il décide de lutter, en proposant au roi la réforme de l’encomendia. Il est soutenu par d’autres missionnaires. Après avoir échoué dans sa tentative de créer une exploitation associant Amérindiens et Espagnols, il renonce à toute participation à la colonisation, devient moine en Espagne et se consacre entièrement à la défense des Amérindiens. Il finit par obtenir de Charles Quint la suppression de l’encomendia, et donc de l’esclavage, mais cette loi ne sera jamais appliquée. En 1544, il revient au Mexique et devient évêque, mais il n’y reste pas plus de deux ans, car il est détesté par tous les colons. Les vingt dernières années de sa vie, il les passe dans un couvent espagnol, rédigeant son œuvre, (l’Histoire des Indes ; la Très brève relation de la destruction des Indes…) et donnant le détail de toutes les atrocités dont il a été le témoin horrifié.
La personnalité et l’œuvre de Las Casas ont toujours divisé le monde hispanique : d’un côté, ses partisans, défenseurs des Indiens, de l’autre, ses détracteurs (opposants) qui l’accusaient d’avoir dénigré la grandeur de l’Espagne. On nous a longtemps dit que Las Casas était indirectement responsable de la traite négrière qu’il aurait encouragée pour protéger les Indiens. Cette accusation est combattue par les historiens espagnols qui considèrent qu’il a au contraire été le défenseur des Noirs autant que celui des Indiens, dans son combat contre l’esclavage. Remarquons qu’on fait remonter l’arrivée des premiers esclaves africains à 1503, date à laquelle Las Casas venait tout juste d’arriver à Hispaniola et n’était pas encore prêtre.

Des témoignages des conquistadors

Loïc et Pierre posent aussi la question suivante : quelle était l’opinion des soldats ? Peu de soldats sont écrivains, surtout à cette époque. Mais il existe un précieux témoignage, un siècle plus tard, au début du 17ème siècle. Un soldat français, resté anonyme, s’embarque pour tenter sa chance dans le nouveau Monde et échoue en Martinique où lui et ses compagnons sont secourus par les Caraïbes. Il fait le récit très détaillé de ce séjour.

J’ai pu compléter les tableaux de concordance des noms amérindiens / français des îles, établis par les élèves, grâce à ce texte.

Nom des îles au 17ème siècle Nom caraïbe
La Dominica Holotobouli
La Martinica
Joannacaira
Santa Lucia ou Sainte Allouzie Joannalau
La Guardeloupe Caroucaira
Saint-Vincent Joalamarqua
La Grenade Carnar
Saint-Christophe Jomaricca
Montserrat Ariogan

Ce document, antérieur à celui du père Labat, (et que je ne connaissais pas quand j’ai commencé cet article), va aussi me permettre de donner beaucoup plus de détails sur la vie quotidienne des Caraïbes. Pour les Taïnos, aux Grandes Antilles, je reprendrai, comme prévu, les descriptions de Christophe Colomb mais aussi de Las Casas.

Pistes pour l’iconographie :

La BT 1036 sur Christophe Colomb
La BT 1113 sur les Indiens Wayana de Guyane ;
La BT 1090 sur le Costa Rica pour la flore et la faune ;
La BT 1102 Mémoires et cultures pour la carte des DOM Antilles), et quelques photos
Le Musée d’Aquitaine possède quelques objets précolombiens
Vos photos de vacances aux Antilles, membres du chantier et autres, mais sans les parasols !
Demander aux ethnologues Pierre et Françoise Grenand, s’ils ont des photos à nous céder.

huangoc[arobase]numericable.fr (Nadine Hua Ngoc)

PS : Quand je me lancerai dans l'écriture définitive de la BT, j'adopterai probablement un nouveau plan, chronologique, qui m'avait été proposé par les collègues, dans un souci de plus grande simplicité et de clarté.

Ce travail a été réalisé par le groupe Doc2d (Recherche documentaire au second degré)
Pour nous contacter : bt[arobase]icem-freinet.org
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