Les murets de pierre sèche en Cévennes

Les murets de pierre structurent les paysages dans les régions rocheuses. Ils appartiennent à notre patrimoine. Une classe du Gard a enquêté.

 Un élément du patrimoine rural : les murets de pierre sèche

"Le 12 mars, nous avons fait une sortie avec l'association "les Roumegaïres" à Arrigas. Nous avons travaillé sur les constructions en pierre sèche avec Stéphane Marquis, écologue qui intervient bénévolement dans notre école sur le thème de l'environnement.
Les surfaces agricoles dans les vallées cévenoles étant restreintes, il a fallu penser à cultiver sur les versants des montagnes. Les murets sont donc construits pour exploiter les pentes des montagnes cévenoles.
Il a fallu créer des "terrassiers" appelés aussi "traversiers", c'est à dire des surfaces planes remplies de terre retenues par des murets en pierre sèche incluant des systèmes d'écoulement des eaux.
Nous avons construit un petit mur en pierre sèche puis nous avons observé une exposition sur ce thème.
Audrey, Jeanne et Sara ont lu et résumé pour nous "la restauration des murs de soutènement" du Parc national des Cévennes."

la classe de l'école de Bez et Esparon

Escalier, pour passer
d'un terrassier à l'autre

Caractéristiques des paysages cévenols,
les petits chemins bordés de murets de pierre sèche.

Les Cévennes, dans le sud-est du Massif central...

Pourquoi les Cévenols ont-ils fait des "terrassiers"?

Les Cévennes sont pentues et, plus la pente est forte, plus les terrassiers (terrasses) seront étroits et les parets (murs de soutènement) élevés.

Ces terrassiers sont des bandes de terre cultivables : sans eux, il n'aurait pas été possible de pratiquer l'agriculture dans les Cévennes : en dehors de ces terrassiers, les seules zones cultivables sont situées dans les vallées étroites et froides. Les terrassiers sont étagés sur les versants ensoleillés, ce qui permet aux plantes de se développer.
Les versants exposés au nord n'étaient généralement pas aménagés, et étaient abandonnés aux forêts.     

Aujourd'hui, les terrasses sont souvent abandonnées, envahies par les fourrés.
Mais dans la colline, on devine encore les gradins.

Pourquoi les paysans, en créant les terrassiers, ont-ils bien maîtrisé l'eau?

Ils ont adapté des moyens simples, en faisant appel à la pierre sèche.

Les murs en pierre sèche sont constitués de pierres simplement empilées, sans aucun mortier. Les eaux de pluie peuvent s'y infiltrer. Les terrasses aménagées en gradins réguliers comportent des fossés, des drains, qui filtrent les eaux de ruissellement.

D'autres aménagements sont faits pour capter, conserver l'eau:
les bassins, fontaines, béals (canaux)...

Quelquefois, les effets de l'eau peuvent provoquer des effondrements.    

Un tancat, barrage pour faire une retenue d'eau
destinée à alimenter un béal, un canal…

Muret en pierre sèche soutenant un chemin montant vers le pont.

Les éboulements

Les débuts d'éboulement sont visibles, surtout quand le mur fait «ventre», déformé par la poussée des terres. Cette excroissance peut aller jusqu'à l'éclatement. La réparation est assez difficile à effectuer, le moindre retrait d'un moellon* en équilibre pouvant provoquer un éboulement. La brèche d'effondrement est appelée «passadou» dans les Cévennes, c'est un endroit où les bêtes sauvages (sangliers entre autres) passent et, malheureusement, cela aggrave l'état du mur.
La végétation dans les murs a un rôle ambivalent**. Elle contribue à la destruction des murs mais, une fois installée, elle peut les stabiliser.

* moellon: pièce de construction maniable, entre le bloc et le caillou.
** ambivalent : qui a deux aspects opposés

Quelles pierres sont utilisées ?

 Les types et les formes de pierres sont très variés, alors les bâtisseurs doivent s'adapter...

Le moellon est l'élément de base de la construction.
Ceux en calcaire sont de forme parallélépipédique.
Dans le granite et le grès, il faut couper les moellons, les tailler à la masse, au pic, plus rarement en utilisant la poudre. Le schiste se présente sous forme de plaques assez épaisses, de forme allongée.
Quelquefois, près des cours d'eau, les pierres ont des formes érodées qui les font ressembler à de gros galets.

Une capitelle, abri servant généralement
pour les bergers, les chasseurs... ►
 

La construction du mur

 On prépare d'abord la base du mur. Parfois, c'est le rocher lui-même qui constitue cette base. La première assise de moellons peut être plus large que le mur: c'est l'empâtement. Il est conseillé de prendre les plus gros moellons en les plaçant en «boutisse-parpaigne», c'est-à-dire que la plus petite face est apparente et que le moellon se trouve enfoncé profondément dans l'épaisseur du mur, contribuant à le renforcer. On trouve très rarement des murs bâtis directement sur la terre car, si elle bouge, le mur bouge aussi et l'eau qui passe dans la terre peut faire glisser les pierres. La partie située entre le mur et la tranche de terre est comblée avec de la pierraille laissant passer l'eau.

La pose des moellons doit progresser dans le sens horizontal. Il faut toujours poser le moellon dans le sens du lit.    

chantier de sauvegarde. Explications sur la construction d'un muret donnée aux enfants :
choix et pose des pierres, selon leur forme et l'aspect de leurs faces.

Le parement, (la face visible), est un puzzle constitué d'éléments de formes et  de coloris divers. À chaque assise, il faut contrôler l'assiette de l'ensemble, c'est dire qu'il faut obtenir une surface capable de supporter l'assise suivante. Il est préférable de ne pas remplir les vides entre pierres par de trop petits cailloux ou par du gravier; éviter la terre car elle obture les vides et empêche le drainage. À l'approche de l'arase (sommet du mur), on choisira des éléments réguliers pour obtenir un alignement bien horizontal.     

Le calage de pose et le calage de remplissage

Il ne suffit pas de superposer des moellons, mais il faut s'assurer de la cohésion de l'ensemble par l'apport d'éléments plus petits: c'est le calage de pose, petites pierres intercalées entre les moellons et qui assurent leur stabilité. Elles doivent être assez dures et solides pour résister à l'écrasement.
Le calage de remplissage est effectué quand le mur est terminé. Il sert à combler les vides apparents en façade. Cela donne au mur une belle apparence, mais ne sert guère à la tenue de l'ensemble.

un appareillage équilibré du parement: ►
petite pierre ou lourd moellon, chaque élément doit participer à la tenue de l'ensemble.
 

les "défauts"    

Le mur ne doit en aucun cas pencher en «contre-fruit », c'est-à-dire vers l'extérieur.	Appareillage en coup de sabre Le « coup de sabre » est un défaut qui résulte d'un manque d'alternance dans la superposition des moellons.	Appareillage en piles d’assiettes La « pile d'assiettes » est un empilement systématique des moellons sans alternance de joints. muret

 La réparation des murets est longue et minutieuse, mais elle contribue à entretenir un paysage caractéristique et à freiner l'érosion des terres dans les régions pentues. Aujourd'hui, dans les régions concernées, des stages sont organisés pour permettre, à ceux qui le souhaitent, de se former à la restauration des murets et des constructions en pierre sèche. Des citadins venus s'installer à la campagne ou des ruraux désireux d'entretenir leur patrimoine y viennent retrouver des gestes et des pratiques ancestraux.
 

Muret soutenant un chemin de randonnée sur un versant escarpé	une cabane

En Ardèche. Entre le fond de la vallée et le château de Ventadour en cours de restauration,
les anciens terrassiers, aujourd'hui abandonnés, dessinent leurs rangées parallèles bien exposées.