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La démocratie, pourquoi pas ?

Avril 2005

Morosité ! Envie de résister !
Dégoût ! Haine !
Lassitude ! Révolte !
Quelle confusion des sentiments ! Depuis quelques années, parler de régression sociale serait un doux euphémisme. Petit-fils d’immigré italien, j’ai vu mon grand-père se battre contre la xénophobie locale, contre les petits chefs des maîtres de forge qui exploitaient la main d’oeuvre étrangère. Puis mon père a pris le relais. Les cités de fer ont été le témoin de ses nombreux combats : congés payés, semaine de quarante heures, sécurité sociale, droit syndical, mais aussi port du casque et des chaussures de sécurité, nettoyage des bleus de travail... Il n’y avait pas de petit ou de grand combat, mais une lutte incessante pour défendre droits et libertés. Je me souviens des grèves paralysant convertisseurs et hauts-fourneaux, des sidérurgistes brandissant des barres à mines dans les défilés et des aïeux du baron Antoine tremblant à l’idée de voir leurs « machines à sous » fonctionner au ralenti... Que de luttes... Mais que de victoires ! Que de poussées sociales ! Que d’émancipation de l’Homme !
Et aujourd’hui, tout devrait être remis en question ? Devrions-nous abandonner tout ce que nos parents et grands-parents ont arraché à la condition humaine sous prétexte de délocalisation, de conjoncture économique, de fatalité, de surdéterminisme, d’AGCS ? Serions-nous des dilapidateurs d’héritages, des rentiers du social ? De tout cela une bonne leçon : rien n’est définitivement acquis et notre vie est secouée de luttes quotidiennes pour préserver nos libertés. Alors que faire ? Nos grèves ne sont plus que des placebos impopulaires et nos moyens de résistance bien dérisoires face à un gouvernement cynique. Pendant ce temps, pour assouvir leur soif de l’argent, les petits-fils des maîtres de forges et autres grands héritiers agitent,sur le castelet de la République,les marionnettes politiques qu’un
Gepetto perfide façonne dans les ateliers de l’E.N.A.
Messieurs les professionnels de la politique, rendez donc la République au peuple afin que la démocratie et l’exercice de la liberté puisse s’exercer à nouveau.
La semaine dernière, Tiphaine est venue vers moi et m’a dit :
« Tu sais Dom, dans la classe, le plus important, c’est pas le conseil, c’est toi, parce que c’est toi qu’as décidé de faire la classe coopé ! »
Tout d’abord envahi par un sentiment d’orgueil narcissique, j’ai ensuite rapidement assimilé cela à un échec. Depuis, la phrase taraude mon idéal pédagogique.
Serais-je devenu le maître des forges qui met en scène une pseudo-république et donne l’illusion du pouvoir aux enfants ? Non ! Je m’y refuse ! Tout simplement parce que ce conseil que je leur offre en début d’année, est un espace de réflexion, de construction, de création... au service non pas du pouvoir, mais du savoir, du savoir faire, du savoir être. C’est un lieu où tous s’exercent à la pensée démocratique, à l’altérité, à la construction humaine. C’est le moment où chaque enfant reçoit l’occasion de s’exercer au politique, afin d’éviter les dérives élitaires du pouvoir. Derrière l’héritage de Freinet et de ses techniques, c’est toute une pensée humaniste qui se joue. L’école est née de la République,elle doit,par filiation,féconder de nouvelles républiques, plus modernes et plus humaines, au service de la
liberté et de la dignité. Là est notre idéal laïc : la République démocratique sauvée par l’École ! Quel beau combat ! Allez ! J’y retourne !