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En Chantier n°7 : Un blog en cours de philo

 

 
 

Un blog en cours de philo


En novembre 2008, j’ai ouvert Surlefil un blog de philosophie pour mes classes. J’ai pensé que cela permettrait de travailler et de poursuivre le cours autrement. Le blog offre l’avantage de rendre visible les productions des élèves, il leur permet ainsi d’échanger leurs idées non seulement à l’oral comme ils le font pendant les cours mais aussi à l’écrit car chacun peut aller lire ce que les autres ont écrit et écrire à son tour. Ce blog est par ailleurs en lien avec un site de textes d’auteurs : Philomène réalisé par Jean-Claude Pomès qui travaille pour la partie informatique de l’ICEM (association informaticem). Philomène est une base de données qui regroupe des textes d’écrivains ou de philosophes, on peut y accéder grâce à un classement par mots clés, auteurs et titres.


Dessin de Mélina sur le mythe de la caverne


La finalité du blog
Donner à lire les textes libres des élèves.
La plupart des blogs philo que j’ai pu consulter proposent en ligne les cours du professeur qui peut, par les commentaires, entrer en discussion avec ses élèves ou avec des internautes. Mais ici l’idée est assez différente, il s’agit d’utiliser le blog comme un espace d’expression pour les élèves. Chacun possède, pour le cours de philosophie, son cahier de textes libres dans lequel il écrit ses réflexions sur les sujets de son choix et qu’il me remet quand il le souhaite. Le seul critère étant qu’il pense que son texte est philosophique et qu’il puisse le justifier. A ma grande surprise et alors qu’il n’y a pas d’échéance et que ces textes ne sont pas notés, je reçois régulièrement leurs écrits (il faut dire que cette année j’ai la chance d’avoir des classes particulièrement intéressées et intéressantes). Lorsqu’un texte me semble pouvoir être partagé avec le reste de la classe car il est en relation avec une question que nous avons abordée en cours, il clarifie des distinctions entre des concepts, ou peut être mis en lien avec un texte de philosophe ou d’écrivain que nous étudions, je propose de le mettre en ligne avec l’accord de son auteur. Lors du cours suivant j’annonce que le texte de cet élève sur tel sujet est lisible sur le blog. J’en fais la publicité pendant quelques minutes en veillant à ménager un petit suspens qui pourrait éveiller la curiosité. Certains élèves me demandent aussi parfois expressément de pouvoir déposer des textes sur des questions d’actualité qui leur tiennent à cœur.
Donner à lire des comptes rendus de débats
Et cela tout particulièrement pour les classes qui ont des difficultés à l’oral ou sont plutôt à la marge dans le lycée parce que victimes du système de sélection. Des élèves de lycée professionnel (classes de comptabilité et de secrétariat) ont eu des débats approfondis sur la liberté et sur l’amour. Les élèves de Terminale ES, plus valorisés dans leur parcours scolaire, ont pu aller lire avec profit les comptes rendus de ces débats. Ils y ont ajouté quelques commentaires.





La scolarité et les notes


Un texte libre d'Elodie, élève de TS1

En France comme dans de nombreux autres pays, le système scolaire repose sur un ensemble d'appréciations et de notations du travail écrit de chaque élève, censé permettre à celui-ci d'enrichir encore davantage ses connaissances Cependant quel rapport un élève entretient-il avec ses notes ? Est-il en accord avec ce système qui lui est imposé ?
Il est vrai que l'enfant étant
bercé dès sa plus tendre enfance par ce système, accorde un certain attachement à ses notes. Elles sont pour lui un but à atteindre pour réussir.
L'élève semble encouragé par sa note lorsqu'elle est bonne, il prend confiance en lui et réalise qu'il est doté de certaines capacités qu'il peut exploiter encore davantage. Les notes représentent alors un certain prestige qui lui donne accès à un statut vis-à-vis des autres élèves. L'enfant accède ainsi à une notoriété, et est fier d'exprimer sa réussite scolaire. De plus, lorsqu'un élève réalise que ses notes s'avèrent être plus élevées que ce qu'il pensait, sa personnalité se développe, et une certaine ambition apparaît dans son regard. On constate ainsi qu'une volonté de donner le meilleur de soi-même et d'accéder aux écoles les plus prestigieuses se crée chez l'élève qui exploite au maximum ses capacités.

Cependant chaque élève n'est pas doté des mêmes capacités, certains ont davantage de difficultés par rapport à d'autres. En effet, certains élèves possèdent d'importantes facilités contrairement à d'autres pour qui le travail demandera davantage d'efforts et de sérieux.
Ainsi les élèves n'obtiendront pas tous de bons résultats scolaires et la note accentuera les inégalités. En effet la note divisera les élèves avec d'une part les élèves en difficulté qui seront plus facilement mis à l'écart et oublié dans un système où seules les notes donnent accès à une poursuite de l'enseignement et une certaine réussite. D'autre part, les élèves plutôt doués seront davantage favorisés avec l'accès à d'importantes bourses de manière à les encourager encore davantage En ce sens, la note est créatrice de nouvelles inégalités au sein de l'école.
De plus la note semble s'opposer aux effets souhaités par la création de l'école. En effet le but premier de l'école est d'encourager un enfant à enrichir sa culture et ses connaissances et de l'aider à développer et ouvrir sa vision sur le monde qui l'entoure. Or la note d'un élève s'oppose au
terme d' « encouragement», et d' « aide ». En effet, lorsque celle-ci s'avère mauvaise, la note pousse les élèves dans le désarroi et telle une bombe arrivée par surprise dans leurs mains, explose et détruit la motivation. Cela a pour conséquence une baisse d'attention de leur part durant les cours, un découragement et après l'accumulation de diverses bombes, l'entrée de l'élève dans un cercle vicieux. Ainsi l'élève découragé a davantage de difficultés à s'intéresser aux matières qui lui sont enseignées, il apprend moins ses leçons ses notes plongent et tel un bateau qui part à la dérive, il connaît de grandes difficultés pour revenir à terre, et se laisse entraîner par ce dangereux courant. En ce sens, la note agit sur l'élève et entraîne d'importantes répercussions sur son moral.
Cependant un élève avec de grandes difficultés, doit -il comme l'exigent ses résultats scolaires, être privé d'un accès aux études supérieures ? La scolarité d'un enfant ne devrait pas seulement dépendre de ces notes car celles-ci ne révèlent pas complètement l'élève qui se cache derrière ce travail, et si l'on veut bien en croire les entretiens pour accéder à certains BTS ou DUT, la personnalité d'un élè
ve n'est pas à négliger. En effet de très bonnes notes peuvent révéler une aisance dans la matière enseignée sans que l'élève n'attache une grande importance à l'enseignement qui lui est dispensé alors que de mauvaises notes peuvent au contraire appartenir à un élève sérieux qui redouble d'efforts pour obtenir de meilleurs résultats. Ainsi cet élève aurait davantage le mérite d'accéder à un niveau supérieur contrairement au premier évoqué. Dans ce cas-là, outre le fait d'accroître les inégalités au sein de l'école, la note ne valorise pas davantage le travail supplémentaire de certains élèves pour surmonter leurs difficultés et le sérieux intérêt qu'ils peuvent avoir à l'enseignement qui leur est proposé.
En ce sens, dans ce système, l'importance accordée aux notes et aux résultats scolaires est grande, voire trop grande, car prioritaire face à d'autres élémen
ts tel que la personnalité qui semble être tout aussi importante. Ainsi les établissements dans l'attente de bons résultats scolaires, jugent leurs élèves de la même manière qu'une entreprise se doit de juger ses salariés, c'est-à-dire à sa productivité de bonnes notes, jusqu'à calculer même parfois ses taux de réussite face aux autres écoles concurrentes. Pourtant il semble que cette productivité ne soit pas obligatoire. D'autres pays, comme la Suède ou la Finlande reposent sur un système sans notation, et il s'avère que les résultats sont concluants, voire meilleurs qu'en France. Il semble de ce fait possible pour un élève de recevoir un enseignement sans être constamment contrôlé sur son savoir et ses connaissances.
De plus grâce à cette forme d'enseignement, l'élève acquiert une certaine autonomie, et voit en l'école une chance accessible à tous et non un établissement rempli de différentes embûches à parcourir et d'où ne ressort qu'une minorité.


Le blog sert aussi de complément de cours.
En classe, il n’est pas toujours possible d’approfondir l’histoire des idées. Par exemple un élève parle de l’incapacité de sortir de la logique aliénante du travail, cela me fait penser à un texte de Nietzsche, je l’évoque et j’indique que ce texte sera déposé sur Philomène avec un commentaire sur le blog. Je préfère ajouter des précisions sur un auteur dans le blog, plutôt que de consacrer les heures de cours à faire des exposés magistraux sur la pensée de tel ou tel auteur.
Le blog permet aussi de valoriser les dessins des élèves, ceux qu’ils font pour se concentrer ou se distraire pendant les cours… ceux qu’ils font à propos d’un texte étudié (mythe de la caverne).

Je dépose aussi les bons passages de leurs commentaires ou de leur dissertation.
Pour les corrigés de dissertation j’ai remarqué que lorsque je les rédigeais moi-même les élèves ne les lisaient pas, cela parfois les décourageait. Je préfère donc m’appuyer sur les bons passages de leurs copies (en veillant à ne pas prendre en exemple toujours les mêmes élèves). Nous commentons ensemble ces extraits nous leur apportons éventuellement quelques corrections, puis je les dépose sur le site. J’ai déposé aussi quelques corrigés dont je suis l’auteure et qu’ils peuvent ainsi consulter ou non.
Enfin le blog permet de mettre en lien leurs textes libres avec des textes d’auteurs grâce au site Philomène. Lorsqu’un élève aborde dans un texte libre, une idée qui peut être complétée par celle d’un écrivain ou d’un philosophe, je la mets en lien avec une page que je dépose dans Philomène. Des liens sont ainsi établis entre les deux sites.

Comment faire vivre le blog ?
Pour faire vivre ce blog qui en est à ses balbutiements, j'en parle souvent en cours. Dès que j'ai déposé un texte qu'un élève m'a envoyé, j'y fais référence. Je dis par exemple lorsque nous parlons de la différence entre sincérité et vérité qu’on peut lire le texte d'Elise mais qu'on ne va pas en parler en cours pour l'instant. Quand il y a un sujet de dissertation à préparer, je leur conseille d’aller lire un texte d’élève qui pourra leur donner des idées. J’essaie aussi d’établir des liens entre les élèves des différentes classes.
Parfois avec le vidéo projecteur je montre le blog en classe et les liens avec Philomène car les élèves vont difficilement consulter ces textes d’auteurs.


Compte-rendu d’un débat philo :


Qu’est-ce que l’amour ?

Parmi les nombreux sujets qu'ils avaient choisis, les lycéens de Bac professionnel ont décidé de s'interroger sur l'amour.
Ils ont distingué différentes formes d'amour pour se demander si dans tous les cas on parle bien de la même chose :
- L'amour dans la famille
- L'amour de Dieu
- L'amour des magasins
- L'amour/amitié
- L'amour quand on est amoureux
- L'amour de soi-même
- L'amour de la nature
- L'amour du peuple
Ci-contre un dessin d'Emilie pendant le cours de philo

Parmi ces formes d'amour les élèves se sont accordés pour dire que dans les cas de l'amour des magasins et de l'amour de la nature on ne peut parler d'amour au sens strict car celui-ci suppose la possibilité d'une réciprocité. Quand on aime, on s'attend à ce que celui qu'on aime nous aime en retour même si ce n'est pas toujours le cas.
Puis les élèves ont essayé de distinguer l'amour familial de l'amour qu'on ressent dans la passion amoureuse. Marion qui a un bébé de 8 mois a dit que l'amour pour un enfant se construit : tous les jours on découvre quelque chose de nouveau dans le rapport avec son enfant. Cet amour se construit donc avec le temps. Lorsqu'on est amoureux c'est différent, on peut avoir un coup de foudre et l'on n'a rien besoin de construire pour cela. Avec le temps cette passion née brusquement peut même disparaître. Donc dans un cas et dans l'autre ce n'est pas le même rap

port au temps.
Les élèves se sont ensuite demandé si on peut aimer plusieurs personnes. Plusieurs personnes dans sa vie ou plusieurs personnes à la fois ? Certains ont reconnu qu'on peut aimer plusieurs personnes dans sa vie. Mais d'autres ont dit que même si on n’aime plusieurs personnes, on ne connaît qu'un seul grand amour.
Puis la discussion a conduit les lycéens à se demander si on apprend à aimer.
Leslie : on apprend des connaissances mais pas des sentiments. Les sentimen
ts ça vient tout seul sans qu'on ait besoin de leçon pour cela.
Margaux : on n'apprend pas à aimer mais on apprend à connaître la personne qu'on aime.
Donc il y a bien un lien entre amour et apprentissage.
Mélanie : on apprend non seulement à connaître l'autre dans l'amour mais aussi soi-même.
Elodie : apprendre qui on est, est plus difficile qu'apprendre qui est l'autre. Apprendre sur soi demande de s'accepter, de ne pas se mentir, de se remettre aussi en question.
Margaux : mais apprendre par l'amour qui est l'autre est frustrant aussi car il
ne correspond pas à ce qu'on avait imaginé.
Adem : on découvre que la personne qu'on aime n'est pas comme nous. Elle ne partage pas tous nos goûts, elle n'est pas comme on imaginait. Alors pour la connaître il faut découvrir ce qu'elle aime.
Leslie : oui, et c'est une richesse parce qu'on peut aussi se mettre à aimer ce qu'elle aime, on découvre de nouvelles choses.

Dorothée : mais ce n'est pas seulement une question de goût. On pensait que la personne dont on était amoureux était gentille mais on se rend compte de son caractère.
Marion : on est toujours déçu parce que dans l'amour on cherche la perfection.
Anaïs : pourtant tout le monde sait bien que personne n'est parfait !
Margaux : oui mais c'est ça l'amour, on cherche ce qui est parfait et on idéalise.
Marion : on voit toujours l'autre un peu mieux qu'il n'est.

Il y avait encore beaucoup de choses à dire mais les élèves ont dû s'arrêter....alors, qui que vous soyez, si vous avez des idées à ajouter dans les commentaires... à vos claviers.
Peut-on aimer plusieurs personnes à la fois ?
Peut-on aimer sans idéaliser ?


Idéaliser et rêver d'une personne est-ce la même chose ?
Pourquoi aime-t-on idéaliser ?
Aime-t-on qu'une personne nous idéalise ?

Laurence Bouchet
 

 

Ce travail a été réalisé par le groupe Doc2d (Recherche documentaire au second degré)
Pour nous contacter : bt[arobase]icem-freinet.org" class="moz-txt-link-abbreviated
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Pour en savoir plus sur notre groupe : cliquez ici!

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