Comment ne pas se sentir interpellé quand nos jeunes camarades vivent leur première inspection comme un jugement supérieur, sourd, rigide et imperméable. D’un côté le désir de mettre en place une pédagogie respectueuse de l’être et du devenir de l’enfant, de l’autre la fonction de reconduire une pédagogie de transmission des inégalités sociales. Mais l’un hésite et l’autre autorise !
Les étudiants ne rencontrent la pédagogie Freinet que quelques heures voire quelques lignes de cours pendant leur formation. Leur approche peut être livresque et ils découvrent une philosophie, une perspective d’éducation et d’émancipation mais ils n’ont pas conscience du cheminement, du tâtonnement qui permet de tendre vers cette finalité ou alors ils ne perçoivent que des techniques plus actives mais sans fondement philosophique.
Parfois ils ont observé des classes Freinet.
Parfois ils ont participé à un forum et sont passés par un stand Freinet.
Parfois ils ont assisté à une présentation de la pédagogie Freinet.
Parfois ils ont lu des panneaux d’exposition Freinet.
Quelques moments épars. Suffisants pour rebondir sur ses valeurs et pour déclencher la curiosité, une envie d’en savoir plus, mais insuffisants le plus souvent pour démarrer avec bonheur et réussite.
Beaucoup de ceux qui choisissent de pratiquer autrement,émerveillés par ce qu’ils ont vu, entendu et lu dans ces courts instants, vont se jeter sans retenue. Mais, déstabilisés par les enfants, les parents, les collègues et pour finir l’inspecteur, ils voileront leur idéal. Et comment le leur reprocher, on n’entre pas dans l’éducation nationale avec le costume de Che Guevara ou de José Bové !
Certains collègues paternalistes, se targuant d’autorité, profiteront de ce désarroi pour transmettre leurs habitus archaïques. Et l’enfant prodigue reviendra dans le giron de la pédagogie traditionnelle pour longtemps.
En ce début d’année scolaire, nous devons à nouveau réfléchir à notre responsabilité de formateurs pour que ceux qui choisissent de démarrer en pédagogie Freinet ne se retrouvent pas dans des situations aussi noires.
Le droit au tâtonnement est incontournable mais il doit être exercé en toute sécurité, le terrain d’expérimentation et de recherche qu’est la classe est un espace complexe, un seul axe d’investissement se répercutant sur tout le système.
Que faire ?
Cette année encore, continuer à exposer, à présenter, à intervenir dans les lieux de formation en étant conscients des dangers et des limites pour ceux qui ne rejoindront pas les groupes départementaux, seul espace permettant à la fois :
– l’analyse de pratiques et la recherche
– la coopération et la création d’outils
– le compagnonnage et l’entraide
– la reconnaissance et la confiance
– la prise de conscience d’être sur un long chemin… et celle de devenir à son tour compagnon.
Et pour permettre d’approfondir ces moments où l’on frôle la pédagogie Freinet et dans la perspective d’amener à rejoindre un groupe de travail, multiplions différentes écritures respectant la dialogique valeurs et pratiques,relatant des parcours personnels,des témoignages de vie de classe et de vie de militant. Ces écrits enclencheront naturellement une recherche de techniques et d’outils Freinet en adéqua-
tion avec un projet global d’éducation.
Dans : Mouvements › mouvement Freinet ›
Septembre 2003
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