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logo ressource btn Les alchimistes et l'alchimie

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Mai 2002

Entre vérité cachée et légendes, qu'est-ce qu'un alchimiste ? Un chercheur pré-scientifique, un mystique en quête de perfection, un escroc?

Qu’est-ce qu'un alchimiste ?    

Il n’existe pas vraiment de définition précise de l’alchimie.
Elle s’inscrit dans la tradition d’une certaine pensée scientifique et religieuse au Moyen-âge, notamment en Occident.

L’alchimiste peut être regardé comme un chercheur engagé à la fois sur les voies de la science physique, chimique, métallurgique, astronomique, et sur les voies de la quête de Dieu, de la perfection, certains ont dit de l’absolu.

L’alchimie a intéressé aussi bien les Européens, les Chinois, les Indiens et les Arabes, entre le VI° siècle avant notre ère et le XVI° siècle.
Aujourd’hui encore, des chercheurs se penchent sur l’alchimie.

Pour le grand public, elle demeure étroitement liée à la transmutation des métaux,  notamment des métaux «vils» en or, à la guérison des maladies, à la quête de l’éternelle jeunesse: richesse, santé, immortalité sont les vieux rêves de toute l’humanité, auxquels l’alchimie et les alchimistes déclaraient apporter des réponses.

En France vécurent de nombreuses personnes, seigneurs, membres du clergé, bourgeois, qui s’en réclamaient*.

* Nicolas Flamel fut de ceux-ci. Qui était-il? quelle fut son œuvre ? qu’était vraiment l’alchimie?
Une page associée se propose d’apporter quelques réponses et des pistes de réflexion.

On a vu devenir alchimistes des gens du peuple, des religieux et des laïcs, des hommes et des femmes, des châtelains et des paysans, des gens de toutes confessions.
Mais, pour devenir alchimiste, il fallait être initié par un maître.

Ce fut le cas de Nicolas Flamel : Nicolas Flamel avait acquis en 1357 un très grand et très ancien manuscrit, enrichi d’enluminures, de «Abraham le Juif, prêtre et prince, astrologue et philosophe». Ce manuscrit comportait des textes, des signes et des illustrations qu’il ne parvenait pas à comprendre. Pendant plus de vingt ans, il essaiera, mais sans succès, de trouver quelqu’un qui pourrait l’aider à déchiffrer l’ouvrage.
En 1378, sur les conseils de son épouse, Dame Pernelle, Flamel se rend en pèlerinage à St Jacques de Compostelle, où il rencontre maître Canches, un savant médecin juif converti au catholicisme. Il lui parle du manuscrit et lui montre quelques figures qu’il y a copiées.

Maître Canches connaît les clés qui permettent d’accéder à la compréhension du manuscrit. Il accepte d’accompagner Nicolas Flamel à Paris. Malheureusement, âgé et malade, il meurt en cours de voyage, à Orléans. Mais Flamel en sait maintenant assez pour entreprendre des recherches en partant des indications portées dans le manuscrit.

alchimiea lchimiste Compostelle

Des règles très strictes

Les règles de l'alchimie ont été édictées par Albert le Grand, maître de l’Université de Paris (vers 1193 -1280). Elles se résument ainsi :

- L'alchimiste sera discret et silencieux. Il ne révélera  à personne le résultat de ses opérations.
- Il habitera loin des hommes une maison particulière, dans laquelle il y a aura deux ou trois pièces exclusivement destinées à ses recherches.
- Il choisira les heures et le temps de son travail.
- Il sera patient, assidu, persévérant.
- Il exécutera d'après les règles de l'art les opérations nécessaires.
- Il ne se servira que de vaisseaux (récipients ) en verre ou en poterie vernissée.
- Il sera assez riche pour faire en toute indépendance les dépenses qu'exigent ses recherches.
- Il évitera d'avoir des rapports avec les princes et les seigneurs.

Dans la basilique romane de Saint Jacques de Compostelle.

L’alchimie à travers l'histoire

En Chine, l’alchimie  trouve ses sources dans le savoir de la métallurgie : l’athanor est le descendant du fourneau du forgeron. L’alchimie, en tant que telle, y est attestée dès le IV° siècle avant notre ère. La quête de la pierre philosophale permet de devenir un dieu ou de s’en approcher. L’immortalité en fait un but principal.
Peu à peu, cependant, l'alchimie chinoise devient plus spéculative et moins opératoire, notamment à partir des IV° et V° siècles de notre ère. Le mysticisme et le travail sur soi s'approfondit pour devenir à partir du XIII° siècle une technique purement ascétique sous l'influence du bouddhisme.

L’Inde a également connu une alchimie liée davantage à des pratiques spirituelles et corporelles individuelles qu’à des expérimentations physiques ou chimiques de laboratoire.

En Egypte, à Alexandrie, au III° siècle avant notre ère, la société grecque développe des croyances alchimiques dont les origines peu claires pourraient découler de contacts avec des communautés alchimiques orientales, indiennes par exemple. Les auteurs se réfèrent au monde des dieux et des héros antiques : Hermès, Thot, Isis, Orphée sont porteurs d’expériences et d’aventures alchimiques.

Plus récemment, vers la fin du VIII° siècle, apparaît l’alchimie arabe*.
C’est cette alchimie qui élabore les grands principes que l’Occident adopte au contact du monde musulman vers le XII° siècle.
Geber – de son vrai nom Jabir Ibn Hayyan (vers 730 – 804) fut la grande référence des alchimistes chrétiens.
Un de ses ouvrages les plus connus est «le livre des Septante».
L’alchimie arabe  développe les idées de mort et de résurrection des métaux en des éléments plus nobles, ce qui ne pouvait que trouver un écho favorable dns le monde chrétien d’Occident.

* alchimie est un mot d’origine arabe pouvant signifier, selon les auteurs, la fusion ou la terre noire

 

 

De grands noms

Quelques grandes figures scientifiques du Moyen-âge, théologiens, médecins, astronomes, philosophes, s’intéressent à l’alchimie. Parmi ceux-ci, citons :

Geber (voir ci-dessus) grand savant né vers 720, décédé vers 800 (ou 815), tenta de mettre les mathématiques au service de l'astronomie. Il découvrit un certain nombre de corps chimiques : l'acide sulfurique, l'acide nitrique, l'eau régale*. Ses travaux figurent dans plus de 300 manuscrits.

Albert le Grand ( 1193-1280) fut évêque, savant et philosophe. On lui a décerné le titre de "Docteur universel". Esprit rigoureux, doté d'une grande curiosité, son activité fut très importante. Il étudia les sciences de la nature, descendit dans les mines pour connaître les minéraux, publia un traité sur les végétaux dans lequel il décrivait plus de 400 espèces. Il publia également des ouvrages tels que "De la vie et de la mort", "De l'esprit vital et de la respiration", "Du sommeil et de la veille".

Roger Bacon (1212-1294) fut l'un des plus grands savants de son époque. Il portait un très grand intérêt aux recherches expérimentales et s'intéressait à la transmutation des métaux.

Arnaud de Villeneuve (1245-1313). Avec ce chercheur l'alchimie devient philosophie. Il affirme que les astres jouent un rôle très important dans le déroulement des expériences.

Raymond Lulle (1235-1315). On l'a surnommé "le Docteur illuminé". Il cherchait à convertir à la religion catholique le plus grand nombre possible d'infidèles. Il a écrit un très grand nombre d'ouvrages et en particulier traitant de la pierre philosophale.

* Eau régale : constitué de deux parties d’acide nitrique et d’une partie d’acide chlorhydrique, ce produit est capable de dissoudre l’or.


L’apport de l’alchimie

Les alchimistes furent des gens de conviction qui accomplirent leur tâche avec soin et avec la volonté d’aboutir. Certes leur objectif n’a pas été atteint mais un certain nombre de techniques et de découvertes leur sont attribuées : obtention des acides sulfurique, acétique et nitrique, découverte des propriétés de l’essence de térébenthine…

Aucun alchimiste n’a pu réussir la transmutation des métaux, même si certaines expériences ont pu le laisser croire. Ainsi, ils savaient extraire de l’argent du minerai de plomb, un minerai que personne alors ne savait argentifère. Dans ce cas il n’y avait pas transmutation mais séparation de deux métaux contenus dans un même minerai.
Par ailleurs, le cuivre a des propriétés suffisamment proches de celles de l’or pour qu’on puisse le confondre avec ce dernier dans le cas d’une observation sommaire de leurs couleurs, et pour qu’on puisse croire qu’on a réussi à produire de l’or à partir de métaux divers (le cuivre est en effet présent dans de nombreux minerais).      

alchimie alchimiste cuivre

minerai de cuivre (Chessy-les-Mines)
 


Le sort des alchimistes

La vie de Nicolas Flamel fut exempte de tracasseries. Il jouissait de l'estime et du respect de tous. Il avait l'appui de nobles personnages. C'était un bourgeois aisé et paisible. Lui et les siens remplissaient avec zèle leurs devoirs religieux. Discret sur ses activités, il ne cherchait nullement à en tirer profit. Il fut au nombre des alchimistes désintéressés et fit preuve de noblesse d'esprit. Nul ne pouvait l'accuser de quelque faute que ce fût.

Mais bien d'autres eurent à subir un sort peu enviable, à cause de leurs activités d'alchimistes. Certains furent poursuivis, tracassés, torturés, mis à mort…

Ce fut le cas par exemple d'Alexandre Sathon, torturé par le Grand Electeur de Saxe qui voulait lui faire révéler le secret de ses expériences.
Ce fut aussi le cas de cette jeune femme alchimiste, condamnée à être brûlée vive par le duc de Brunschwig qui se disait insatisfait de ses services.
Ce fut encore le cas de tous ceux qui furent victimes des excommunications prononcées par le pape Jean XXII (pape de 1316 à 1334): l'Inquisition en condamna quatorze au bûcher et les tribunaux séculiers firent pendre une vingtaine d'autres alchimistes.

Il faut reconnaître qu'aux yeux de bien des gens l'alchimie avait mauvaise réputation et était synonyme de magie et de sorcellerie.

Il est vrai aussi que des charlatans et des escrocs se prétendirent alchimistes pour s'enrichir par divers trafics: fabrication de fausse monnaie, expériences truquées étaient fréquentes.
C'est sans doute ce qui arriva un jour au duc de Lorraine Henri II.
Il reçut la visite de deux alchimistes qui venaient lui proposer de faire de l'or par transmutation. Le marché fut d'autant plus rapidement conclu que le duc avait de graves problèmes financiers. On installa donc au château de Condé, près de Nancy, un laboratoire d'alchimiste. Celui-ci fonctionna pendant trois années. Durant la première, les chercheurs travaillèrent 188 jours. Il fut dépensé tant pour leur nourriture que pour leurs travaux la somme de 1324 francs. L'année suivante, les activités continuèrent aux mêmes conditions, mais les alchimistes ne travaillèrent que 26 jours… Ils reprirent leurs travaux la troisième année, mais cette fois dans de meilleures conditions. Cependant, deux mois d'activité continue n'aboutirent à rien.
Force leur fut alors d'avouer qu'ils avaient échoué : on ignore le sort qui leur fut réservé…     

 
Source : 
BT 1138 "Nicolas Flamel, alchimiste" (mai 2002)
Crédit iconographique : 
photos Annie et JF Dhénin