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Quelques notions théoriques psychocognitives sur la langue

Dans :  Techniques pédagogiques › 
Février 2011
Ces quelques éléments de différents apports théoriques sur la langue permettront de mieux apprécier le conte d’Alain Delsol, et d’y voir un peu plus clair dans les débats qui opposent actuellement des chercheurs psychocognitivistes, linguistes, Etc …
 
 
1° Pourquoi et comment le CONSTRUCTIVISME ?
 
Le problème de la construction de structures de connaissance est un débat ancien qui a opposé une majorité d’épistémologistes attachés à des hypothèses soit empiristes, soit innéistes. Elles subordonnent la connaissance à des formes situées d’avance, pour les unes dans le sujet et dans l’objet pour les autres.
L’épistémologie piagétienne est, quant à elle, « naturaliste sans être positiviste ». Elle met en évidence l’activité du sujet sans être « idéaliste » ; elle s’appuie sur l’objet « tout en le considérant comme une limite » et voit en la connaissance une construction continue.
 
Le point de vue des EMPIRISTES : ENVIRONNEMENTALISTES
 
Leurs hypothèses sont fondées sur le fait suivant : toutes les connaissances sont des informations exogènes, fournies par les contraintes du réel et du « milieu ». il n’y a pas de feed-back.
Le développement génétique est linéaire, c’est «l’hérédité de l’acquis» au sens lamarckien; le développement cognitif l’est aussi.
Les psychologues de l’école behavioriste ont conservé son esprit lamarckien, synthétisé par le schéma S (Stimulus) ……>R (réponse)
Waddington a introduit la notion de « compétence » sur le terrain de l’embryogénèse, se définissant comme la « sensibilité aux inducteurs ».
Dans la perspective uniquement lamarckienne, la réponse R n’est qu’une « copie fonctionnelle » du stimulus S.
Cette notion de compétence a semblé pour Piaget le problème central du développement cognitif. Il passe alors du schéma S …..>R à S<….>R :
Pour que le stimulus déclenche une certaine réponse, il faut que le sujet et son organisme soient capables de la fournir (sensibilité à S et capacité à donner la réponse).
Dans cette perspective, l’évolution des compétences entraînerait le développement cognitif du sujet.
 
Le point de vue des INNÉЇSTES : MATURATIONNISTES
 
Leurs hypothèses s’opposent aux environnementalistes.
Pour K.Lorenz, les catégories du savoir seraient biologiquement préformée ; il s’agirait alors d’une programmation héréditaire, qui commencerait dès l’embryon, avant même que l’individu en fasse usage.
 Les néo-darwinistes considéraient les développements héréditaires comme se produisant sans aucune relation avec le milieu, celui-ci n’intervenant qu’après coup, en sélectionnant « les plus favorables à la survie ».
 
Le CONSTRUCTIVISME
Dans ces deux cas, le problème épistémologique est à poser en terme biologique, dans la perspective d’une épistémologie génétique.
 Le passage de l’Instinct à l’Intelligence.
 La notion d’instinct apparaît selon deux points de vue : pour les empiristes, les instincts représentent une intelligence stabilisée héréditairement ; pour les innéistes, l’instinct s’oppose radicalement à l’intelligence. L’instinct est défini comme rigide, aveugle et infaillible ; l’intelligence, elle, est souple, consciente et faillible.
 Piaget critique ces deux conceptions trop modélisées. Pour expliquer ce passage de l’instinct à l’intelligence, il propose une synthèse des deux. Selon lui, en toute conduite instinctive, il faut distinguer trois paliers :
1- Coordination générale (emboîtement de schèmes ... )
        Naissance du concept d'assimilation
2- Programmation héréditaire du contenu des conduites.
3- Ajustement individuel aux circonstances multiples.
         Naissance du concept d'accommodation
 
Le deuxième palier s'atténue lors dit passage de l'instinct à l'intelligence.
Simultanément, deux mouvements corrélatifs de directions contraires naissent :
- un mouvement d'intériorisation pour le palier 1
- un mouvement d'extériorisation pour le palier 2.
 
La genèse de Piaget prend donc en considération l'organisation interne et celle du milieu. Le problème crucial se situe au niveau des interactions qui vont entraîner des autorégulations à tous les paliers, c'est à dire à tous les niveaux du comportement cognitif.
 
         Naissance du concept d'équilibration.
L'image de reconstructions indéfinies, de palier en palier, est permise par la multiplicité des' formes de régulation, sans que les formes supérieures soient contenues d'avance dans les inférieures.
         Naissance de la théorie constructiviste


2° Pourquoi et comment le PLURISYTÈME ?
Autour de l'écrit : la notion de SYSTÈME
Toutes les écritures expriment le signifiant. Elles sont étroitement liées, déterminées par le langage qu'elles représentent. Il faut donc penser l'écrit comme une combinaison indissociable entre le signifiant et 1e signifié.
F. De Saussure, dès la .fin du XIXéme siècle, l'avait déjà compris :
" Nous appelons signe, la combinaison du concept et de l'image acoustique... Le signe linguistique est donc une entité psychique à deux faces..." qu'il représente comme suit :
En 1911, il introduit les termes de signifiant et de signifié pour les désigner.
Il compare alors la langue à unefeuille de papier: la pensée est le recto et le son, le verso. Avec le "père" de la linguistique, l'étude du langage a acquis le statut de science et la langue devient un système :
" La langue est un système dont tous les termes sont solidaires et où la valeur de l'un ne résulte que de la présence simultanée des autres. "
Selon le schéma :
 Partant ainsi de la critique de ses prédécesseurs Saussure s'est efforcé  de constituer la Science Linguistique, en en définissant l'objet et en en esquissant la méthode. Il va d'abord élargir son objet d'étude en considérant toutes les manifestations du langage humain (des peuples sauvages aux nations civilisées). Pour mieux saisir son objet, il va ensuite le réduire, en écartant du domaine de la linguistique tout ce qui dans le langage, relève d'autres sciences et tout ce qui échappe à une étude systématique.
L'objet de lu linguistique est lu langue. Le concept de langue s'oppose a celui de la parole; il vise ù rendre compte du fait social que constitue le langage.
Afin de bien délimiter cet objet, Saussure pose un certain nombre de dichotomies fondamentales : synchronie / diachronie, langue parlée / écrite, rapports syntagmatiques/ paradigmatiques
La linguistique devient avant tout une science descriptive qui étudie des systèmes de signes que constituent des états de langue.
La notion de système est née.
La notion de PLURISYSTEME
Nina Catach est l'auteur de ce concept. Pour le définir elle part de deux phénomènes qui ont évolué: l'un historique et l'autre scientifique. 
D'un point de vue historique, l'orthographe du XIX°ième .siècle n'est plus celle d'aujourd'hui. Déjà en 1900, l'enseignement universitaire prenait entièrement le contrepied de l'enseignement du premier et du second degré. L'université considérait l'orthographe "comme un vêtement ou plutôt comme un travestissement de la langue" s'opposant ainsi aux traductions normatives et dogmatiques.
Sur le plan scientifique, la linguistique depuis ces vingt dernières années, a fait de considérables progrès :
" En un mot, la notion de système est aujourd'hui présente partout, y compris sur le plan de l'orthographe."
 
N. Catach va " suivre les traces " des founding fathers en conservant les termes de signifiant et de signifié, en redéfinissant les dichotomies issuesde la théorie saussurienne : langage oral/écrit, axe syntagmatique/paradigmatique. Elle relève trois qualités spécifiques à un type d'écriture mixte comme le nôtre : " Une économie de la communication une redondance nécessaire de l'information syntagmatique et une information paradigmatique. "
Elle synthétise ces deux dernières qualités sur deux axes :
Axe paradigmatique
(non matérialisé
exemple: petit/petite
Axe syntagmatique (linéaire)
Exemple: les tours sont finis
Les tours sont finies
 
Elle décrit avec précision les deux articulations du langage :
 double articulation de l'oral composée de monèmes ou morphèmes possédant à la fois un signifiant et un signifié et des phonèmes essentiellement distinctifs (possédant uniquement le signifiant);
 double articulation de l'écrit composée des morphogrammes et des logogrammes possédant à la fois un .signifiant et un signifié et les phonogrammes c'est ù dire la partie des signes qui transmettent essentiellement les phonèmes (possédant uniquement le signifiant).
 La première articulation est donc fondée sur les signifiés (et signifiants) alors que la seconde l'est sur les signifiants.
Elle crée le plurisystème qu'elle définit comme suit : " Tout ce qui touche au langage est organisé, et organisé à plusieurs niveaux... Il s'agit d'un TOUT dont les éléments et les niveaux sont définis entre eux par une série de rapports nécessaires."
Naissance du concept du plurisystème graphique français.
Schéma, voir page suivante.
Cette notion de plurisystème s'appuie essentiellement sur les acquis linguistiques, statistiques et psychopédagogiques décrits dans son traité Théorique et Pratique. Elle dégage trois notions dont il faut absolument tenir compte dans l'enseignement de l'orthographe : celle de système, c-elle de fréquence et celle de mesure.
En ce qui concerne la notion de système, N. Catach a opéré un tri linguistique ** entre les divers aspects des problèmes et du système lui-même,  jusqu'ici présentés sans assez de recul, toutes graphies et tous critères confondus Pour cela, elle s'est aidée de la notion d'archigraphème. De plus, l'orthographe étant conçue comme un ensemble d'activités langagières orales et écrites, elle prend appui sur les travaux de V. G. Gak .
La deuxième notion est celle de la fréquence:fréquence des mots, des formes, des phonèmes, des graphèmes... Elle prend appui sur les travaux de A. Juilland La fréquence constitue un outil pédagogique autant pour le maître que pour les élèves, afin de répondre aux nécessités d'une progression systématique.
La troisième notion est la conséquence des deux précédentes, mais elle va également tenir compte des recherches en psychologie concernant le développement de l'enfant:
- la notion de mesure docimologie est inséparable de la notion de progression et de niveau;
- la chasse aux fautes a quelque chose de "malsain" ", la notation doit être positive et l'erreur, autrement dit, une adaptation optimale et non pas maximale, entre les possibilités de l'enfant, celles de l'école et les impératifs de-, la société.
/l est à noter que la synthèse de ses recherches présentée dans cet ouvrage, n'est pas un travail achevé, définitif mais susceptible de retouches et d'évolution.
 
3° La théorie de la CLARTÉ COGNITIVE
 
Il s’agit d’une théorie nouvelle de la lecture, dérivée d’un vaste ensemble de recherches en éducation, en linguistique* et en psychologie**.
J.Downing et J.Fijalkow ont mis en commun les différentes idées provenant de ces disciplines. Cette démarche théorique a tenté d’établir une réelle étude de l’enfant dans son apprentissage de la langue écrite. Elle a également une visée pédagogique, celle d’élargir les connaissances des maîtres relatives à la théorie et à la pratique de l’enseignement de la lecture.
 
Cinq domaines scientifiques (psychologie de l’enfant-enseignement spécial-psychologie de l’éducaton-linguistique) paraissent aujourd’hui s’ajuster entre eux pour expliquer l’habileté cognitive en développement. Celle-ci semblerait liée à la clarté de pensée de l’enfant, confronté aux tâches de réflexion et de résolution de problèmes dans l’apprentissage de la lecture.
         ◘ Nous faisons l’hypothèse que tout ce qui a été dit concernant le domaine de la lecture est transférable au niveau de l’orthographe.
 
En effet, pour que les enfants développent la compréhension des fonctions de communication de l’écriture, il leur faut arriver à une clarté cognitive relative au pourquoi et au comment de l’utilisation de la langue écrite.
 
         Le monde des apprenants
 
Sur le plan psycholinguistique et psychocognitif, tout enfant ayant été capable d’apprendre à parler doit être également capable d’apprendre à écrire. Certes, la chose n’est déjà pas facile quand on s’appuie sur le principe alphabétique, mais la difficulté s’accroît encore lorsqu’on doit penser l’écriture autrement que sa relation à l’oral. Nous le savons, tous les enfants se heurtent à ce traitement graphique des ambiguïtés ; le principe distinctif, à comprendre et utiliser habilement, est la cause de leurs difficultés, de leurs erreurs. En tant que pédagogue, nous pouvons alors nous poser la question du statut de l’erreur:
         - d’un côté l’erreur normative, la faute.
Elle est connotée par des valeurs morales, jugée hors normes, à fustiger.
On la retrouve dans la «scholastique» où la pédagogie élève la dictée à son rôle d’outil, pour enseigner l’orthographe.
E.Charmeux ironise à ce sujet en écrivant: «on ne saurait se soigner avec un thermomètre, ni maigrir avec une balance.»
Dans cette tradition, la relation didactique s’effectue seulement du maître vers l’élève; c’est de l’action que découlerait l’apprentissage.
En ce sens, l’enseignement organiserait son action dans le but de faire «accoucher» ses élèves.
 
-      de l’autre, l’erreur constructiviste fondée sur les divers aspects cognitifs et psycholinguistiques dons nous avons déjà parlé.
 
À une utilisation traditionnelle normative, l’erreur servant uniquement à sanctionner le travail de l’élève, se substitue une fonction de «recensement des lacunes et des faiblesses», pour explorer les démarches d’apprentissage, pour élaborer et mettre en œuvre les réponses appropriées. L’erreur prend alors une valeur informationnelle sur les connaissances intra-individuelles et c’est en ce sens qu’elle est outil pour le maître.
 
En partant des acquis, des productions des enfants, l’enseignant ne considère plus l’erreur comme une production erratique à éliminer, mais il aborde:
«la représentation comme le système explicatif du sujet qui est à comprendre et à analyser en termes d’obstacles ou de points d’appui pour atteindre le concept… Apprendre devient alors la capacité pour le sujet à changer de système de représentations.»
Elle prend également une valeur toute nouvelle pour les apprenants, introduisant des relations inter-individuelles; au travers d’échanges entre pairs, de confrontations entre leurs systèmes de représentations.
 
C’es le «conflit socio-cognitif»: «conflit qu’un sujet peut vivre avec autrui (conflit interpersonnel) et qui débouche sur un conflit intrapersonnel». Le conflit devient alors le moteur de l’apprentissage.
 
Les apprenants de confrontant à des défis conceptuels, développeront leur compréhension des concepts linguistiques et de ceux relatifs aux fonctions de communication du langage écrit.
 
L’orthographe est, dans son essence, une recherche constructive de sens où la compréhension des scripteurs les acheminera vers la clarté cognitive.
 
D’après le mémoire de DEA
D’Alain Delsol.

 

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