Raccourci vers le contenu principal de la page

Mathématiques : journal de classe

Dans :  Techniques pédagogiques › Techniques pédagogiques › 
Janvier 1981
MATHÉMATIQUES : JOURNAL DE CLASSE
 
"Les premiers jours, nous avons d'abord cherché à faire connaissance.
Des idées, des pistes de travail, des recherches, puis du travail en groupe, un planning, l'autocorrection, tout cela vient simplement, naturellement, au fil des jours et des besoins.
 
Que s'est-il passé en 68 depuis la rentrée ? Comment s'est organisé le travail à partir des apports de chacun et des recherches des groupes.
 
Les premiers jours, nous avons d'abord cherché à nous connaître. Chacun a donné son nom, son lieu d'habitation, sa date de naissance mais aussi a dit à la classe ses intérêts, ce qu'il aimait faire à l'école et en dehors, comment il imaginait le collège, ce qu'il voulait y trouver, etc. Nous avons noté sur une grande feuille tout ce qui se disait. Quand ce fut fini, nous nous sommes aperçus qu'il fallait ordonner, classer les renseignements pour s'y retrouver un peu. En classe de mathématiques, on ne pouvait faire autrement que d'utiliser les représentations connues des enfants (tableaux, graphiques, diagrammes...). Il était encore trop tôt pour que la classe propose des représentations originale !
 
Ce premier travail en commun m'a permis de remettre en mémoire pour certains, de définir pour d'autres quelques notions ensemblistes, sans insister toutefois. Mais ces quelques séances consacrées à mieux se connaître ont surtout aidé à installer un certain climat dans la classe et fait naître quelques idées de recherches. En voilà deux exemples. Geoffroy nous raconte qu'il a déménagé et habite maintenant une maison restaurée. Il apportera dans la classe les plans dressés par l'architecte. Trois camarades se joindront à lui pour étudier ces plans : représentation à une échelle différente ; forme des pièces, aménagement de chaque pièce. Une autre élève de la classe, France, parle de la kermesse qui avait été organisée par son école primaire. Elle se souvient plus particulièrement d'un stand où on jouait avec des dés sur un damier : l'importance du lot est fonction du nombre de points obtenus. France ne retrouvera pas exactement les règles du jeu mais avec Evelyne, en inventera d'autres ce qui donnera une recherche intéressante ; nous le verrons par la suite.
 
Et c'est ainsi que peu à peu le travail par groupes va se mettre en route, car d'autres élèves démarreront à leur tour des recherches, à partir de leur vécu mais aussi à partir de souvenirs scolaires (constructions de patrons de cubes). Quelques élèves peu imaginatifs ou “pas encore dans le coup” iront puiser des pistes de recherches dans un fichier mis à leur disposition dans la classe.
 
Les recherches en cours, les échanges lors des travaux collectifs feront naître d'autres idées qui seront rassemblées dans le fichier de pistes de recherches, constituant un stock de situations nées de la vie de la classe, donc beaucoup plus motivantes. D'ailleurs le contexte de ces situations est rappelé sur chaque fiche avec le maximum de précision pour souligner leur authenticité.
 
La construction des concepts et les apprentissages vont se faire par le travail individuel (fiches-guides, auto-correction), par le travail en groupes (recherches) et les débats lors de l'exposé ou de l'exploitation d'un travail. L'alternance groupe/collectif ne sera pas régulière, déterminée à l'avance. Elle se fera en fonction des travaux en cours, du besoin exprimé par un groupe ou de la nécessité reconnue par tous d'une mise au point. La forme prise par le travail collectif varie : elle ne sera pas la même pour aider un groupe dans sa recherche ou pour approcher ensemble une notion.
 
Voici deux exemples pour illustrer cette explication.
1. Revenons à la recherche de France sur le stand de la kermesse : France et Evelyne vont d'abord construire 4 dés et 1 damier de 24 cases. Elles veulent maintenant attribuer un lot sur chaque case mais se demandent sur quelles cases placer les lots les plus importants. Elle vont alors rechercher toutes les possibilités de jeu : il leur faudra tâtonner un peu avant de trouver un ordre de recherche : 1111, 1112, 1113, 1114, 1115, 1116, 1122, 1123, 1124, 1125, 1126, 1222. . . C'est ici que la classe va intervenir car France et Evelyne vont demander la collaboration de leurs camarades pour aller plus vite : chaque élève sera responsable d'une case et devra retrouver dans la liste des quadruplets dont la somme des points est le numéro de leur case. Pendant ce temps, Evelyne et France auront préparé un tableau pour recueillir les résultats. Elles construiront alors un graphique pour mettre en évidence l'importance des cases. 

 

 
 
 

 

C'est la case 12 qui correspond au maximum de probabilités : nous lui attribuerons le plus petit lot. Pour le gros lot, nous aurons le choix entre plusieurs cases : 21, 22, 23.
 
Pour conclure leur recherche, nos deux élèves ont voulu vérifier avec la classe leurs résultats. Chacun a donc joué, a inscrit son jeu dans un tableau et a essayé de faire un graphique semblable à celui présenté par l'équipe de recherche. Nous avons pu constater que ce nouveau graphique n'était pas parfaitement semblable au précédent. C'était l'occasion de parler un peu, à bâtons rompus, des probabilités.
 
2. Le deuxième exemple de recherche a aussi pour point de départ un jeu (quelques élèves de la classe ont été séduits par l'idée de France et ont voulu inventer un jeu). Manuella et Isabelle ont proposé à la classe la règle du jeu suivante : on lance 4 dés dont l'un porte sur ses faces A, B, C, D, E, F au lieu de points.
 
Pour compter les points, on doit consulter un tableau : si le triplet de nombres obtenu comporte des 1 et est associé à A, on compte un point.
 
S'il est associé à B et comporte des 1 et des 2, on compte 2 points.
A
B
C
( 1, 1, 1 )
(1, 1,2)
(1, 1, 3)
(1, 1, 4)
...
(2, 2, 2)
(2, 2, 3)
(2, 2, 4)
...
...
(3, 3, 3)
(3, 3, 4)
...
...
...
etc.
 
Exemples :
- B (2, 3, 4) donne 2 points.
- C (2, 3, 4) donne 3 points.
- C (1, 1, 1) ne donne aucun point.
La classe a été divisée en deux équipes. Nous avons fait un premier tour et nous avons additionné les points.
 
Si l'équipe 1 gagnait par 25 à 22, elle notait le tableau suivant :
 
 
1er tour
+ 3
(25,22)
 
 
 
Nous avons continué plusieurs tours. C'était amusant et la notion d'entier relatif se dessinait petit à petit. A un certain moment, les résultats de deux tours correspondaient à un même relatif. Nous avons donc écrit les résultats sur la même ligne.
 
 
1er tour
2ème tour
3ème tour
+ 3
(25,22)
 
(21, 18)
 
 
(19,24)
 
 
Ensuite, nous avons abandonné le jeu pour essayer de compléter le tableau de manière cohérente avec des couples non obtenus par jeu. Il ne restait plus qu'à définir l'entier relatif. Notons que l'écriture + 3 ou - 4 est venue tout naturellement.
 
En jetant un coup d'œil au planning annuel, on peut voir que plusieurs chapitres ont déjà été entamés. De la rentrée jusqu'au 1er novembre, nous avons travaillé collectivement sur :
- les entiers relatifs ;
- la proportionnalité (grâce à la recherche de Geoffroy sur le plan de sa maison) ;
- les représentations de relations (graphiques) ;
- les solides et les surfaces (à partir d'une recherche sur les patrons du cube).
Bien sûr, nous aurons à revenir sur ces connaissances pour réexpliquer, préciser, faire fonctionner et approfondir . Mais peu à peu, par approches successives, espacées dans le temps, entreprises sous différentes formes, on construira dans l'année les notions fondamentales du programme (en 6e, elles sont peu nombreuses). D'autres notions, moins essentielles seront aussi étudiées si des travaux de groupes ou les recherches personnelles nous en fournissent l'occasion.
 
Claude ROBIOLLE
6 rue Joseph-Lotte
50200 Coutances