Raccourci vers le contenu principal de la page

En Chantier n°10 : Ecrire un album-conte au collège

Dans :  Principes pédagogiques › 

Ecrire un album-conte au collège

Véronique Nagiel est documentaliste au collège de Koumac en Nouvelle-Calédonie.

Avec son aide, des collégiens ont rédigé deux albums-contes en 2008.

 


Pourquoi écrire un album-conte ?

    Les élèves de la classe de 6ème ATP («Aide au travail personnalisé») et sept filles de 5ème 4 du collège et ALP (annexe du lycée professionnel)  de Koumac ont écrit deux albums : le premier La goutte de pluie et la boussole et le deuxième Les aventures de Cûûk, tome II, La sorcière de l’île aux ignames ont été réalisés pour un concours organisé par le Vice-Rectorat de la Nouvelle-Calédonie.
    Il s'agissait de la 13ème édition de la Semaine de la langue française (voir article dans En Chantier n°3 «Jouer avec les mots») qui proposait cette année «Les dix mots de la rencontre» : apprivoiser, boussole, palabre, jubilatoire, passerelle, rhizome, s’attabler, tact, toi, visage.  A partir de ces dix mots, les participants doivent élaborer des productions : articles, cédéroms, poésies, affiches, contes.
    La publication réalisée au collège est un conte à lire par les élèves de 6ème aux élèves de l’école primaire pour leur apprendre à rentrer dans un conte et à raconter des histoires aux autres. La publication permet aux élèves scripteurs de devenir les guides de leur travail écrit -le conte- en étant des conteurs devant les élèves de l’école primaire. Les élèves de l’école peuvent à leur tour, en étant encadrés par leurs ainés du collège, dire le conte devant les autres.

Où ? Quand ? Comment ? Les clubs du CDI

    Deux clubs ont été créés au CDI pour mener ce projet.
    Le club des lecteurs-scripteurs est le premier club à avoir été créé au collège «Paï Kaleone» de Hienghène pour l’écriture du premier album-conte Les aventures de Cüük, tome I : L’igname qui avait peur du feu. Les élèves, aidés par le documentaliste, ont créé ce club pour permettre aux lecteurs d’appréhender le livre sous toutes ses formes : le papier, la taille, la typographie et de s’approprier l’objet-livre. Le club des lecteurs-scripteurs permet d’échanger des histoires, de faire circuler l’information par l’intermédiaire du personnage principal «Cûûk» pour favoriser la création de nouveaux épisodes par les élèves de chaque établissement. Le club des lecteurs-scripteurs permet de réfléchir aux mots-clés (les dix mots à partir desquels le conte a été écrit).


    Le club des filles a été créé par des élèves de la classe de 5ème4 pour écrire leurs albums-contes sur le développement durable et la protection de l’environnement.

    Les élèves se réunissaient au CDI une fois par semaine : le club des lecteurs-scripteurs est constitué de toute la classe d’ATP et le club des filles des sept filles de la classe de 5ème4.
   
    Ces clubs étaient animés par le documentaliste et les élèves. Des enseignants de Lettres et d’Arts plastiques ont participé à la bonne évolution de l’écriture des albums-contes. Il s’agit d’un travail en interdisciplinarité.
    Les élèves auteurs ont réalisé la prouesse d’écrire deux albums-contes en sept semaines seulement : il fallait donner les albums aux éditeurs dans les temps pour pouvoir les faire parvenir au jury du concours. Les élèves ont un don pour écrire et illustrer des histoires qu’ils ont envie de transmettre aux plus petits, les élèves de l’école primaire. Les auteurs ont tout écrit seuls, guidés par le documentaliste, ont sélectionné l’information qu’ils souhaitaient faire découvrir aux lecteurs, pour favoriser son exploitation.

    Qui peut savoir qu’une petite goutte de pluie qui veut visiter la terre se laisse tomber d’un nuage avec une boussole savante qui a le pouvoir de parler pour expliquer la respect de l’environnement et le développement durable ?


Un personnage de collège en collège

    Les élèves ont d’abord lu un album Les aventures de Cûûk : tome I : L’igname qui avait peur du feu écrit par les élèves du collège Paï Kaleone du village de Hienghène qui avait remporté le premier prix tout niveau pour le concours de l'année 2004 «Les dix mots comme on l’aime». Ils ont disposé d’un document écrit, de documents iconographiques (les illustrations) et ont écrit une suite.
    L’album se compose de personnages âgés, de sorcières, du personnage principal «Cûûk» («Cûûk»  signifie «igname» en langue Fwaï). Cûûk est un personnage qui a été créé par les élèves du club des «lecteurs scripteurs» du collège de Hienghène «Paï Kaleone». Selon les élèves, «Cûûk», c’est un petit igname vivant qui s’échappe d’un tas d’ignames le jour de la récolte parce qu’il ne veut pas se faire manger. C’est un igname qui est doté de pouvoirs magiques : il parle, court, se sauve. Le terme «Cûûk» signifie «igname» mais peut également dire «cuire» («to cook» en anglais). Le rapprochement est amusant.
    Ce personnage passe de collège en collège, de club en club, pour être dans de nouveaux albums-contes. Les élèves écrivent de nouvelles aventures de Cûûk : après «Cûûk qui avait peur du feu»(tome I), voici «Cûûk et la sorcière de l’île aux ignames» (tome II).

Extrait :


«Vous vous rappelez de notre ami Cûûk et de ses aventures : la pluie, la tempête, sa nage hâtive dans l’eau pour ne pas être noyé, ses mouvements de brasse pour atteindre promptement la pirogue. Voici la suite de l’histoire…
                        (percussion lente)
    Cûûk arriva sur l’île aux ignames à bord  de la pirogue. Il fit le tour de l’île. Il vit beaucoup de choses magnifiques : une chute d’eau, une grande montagne enneigée, mais aussi une vallée sombre. C’était ici que la sorcière de l’île aux ignames demeurait. Il eut à peine le temps de se retourner qu’il fut capturer dans un sac.
    C’était la sorcière au nez crochu «Moindi Pong» . Elle l’emmena dans une vieille chaumière et le déposa dans un vieux chaudron. Elle commença à mettre : de la bave de limace, deux yeux de crapauds, une coquille d’escargot, une toile d’araignée, du lait de vache et le bouquet final, une tête de mort.

    Ensuite elle dit : «c’est avec ce petit igname que les visages des sorcières deviendront magnifiques».

    Moindi Pong préparait une potion magique qu’elle ne pouvait réaliser qu’à partir d’un igname magique. Pendant ce temps là Cûûk se disait : «il faut que je sorte de là».
Comme il ne voulait pas se faire manger
(rythme de la percussion s’accélère)
il prit appui sur la tête de mort et sauta hors de la marmite avec tact.


   La goutte de pluie et la boussole a été écrit par les élèves de 5ème4 : le conte a été écrit du début à la fin par le club des filles qui est devenu une collection.
    Les élèves se sont réunis au club, au CDI, et ont trouvé seuls le début du conte après avoir travaillé sur les mots donnés par le jury du concours «Les dix mots de la rencontre» : «apprivoiser, boussole, palabre, jubilatoire, passerelle, rhizome, s'attabler, tact, toi, visage». Ils ont d'abord cherché le sens des mots dans le dictionnaire puis ont réécrit des définitions : ils discutent d'abord les mots qui deviennent mots clés. C'est l'ingrédient qui va permettre d'écrire un album-conte.

Une goutte de pluie qui voulait visiter la terre se laissa tomber d’un nuage pour arriver chez sa grand-mère qui lui donna une boussole qui avait le pouvoir de parler.

    Le début du conte a été trouvé par les élèves autour d'une table. Les éléments ont été trouvés par les élèves : les personnages principaux sont une goutte de pluie, une boussole savante, une grand-mère, le nuage, un nénuphar Menyanthaceae du nom de Nymphoides indica, un héron à crête blanche, un grand chêne, un banian, un cocotier, un rhizome, un bois de fer, des hommes coutumiers, des danseurs Kanak. La goutte de pluie est un personnage qui va apprendre aux lecteurs ce que c'est que la protection de la planète et le réchauffement de la terre. La goutte de pluie et la boussole savante se promènent autour de la trre et observent les conséquences des actions de l'homme sur leur environnement. L'objectif de l'album-conte est d'éduquer les lecteurs à la protection de l'environnement.

Extrait :
«Un rayon de soleil toucha le nuage et se fit de plus en plus brûlant. Il le réchauffait. A tel point que le nuage en fondait. La goutte de pluie était pâle :  son visage se déformait tout à coup et devint rouge puis blanc pour devenir transparent. La boussole qui perdait le sens de ses aiguilles dit :
- C’est l’effet du réchauffement de la terre.
Le nuage fondait de plus en plus.
Un coup de vent projeta la goutte de pluie et la boussole dans le vide. La boussole, déboussolée, perdit le sens de ses aiguilles. Dans cette chute sans fin la goutte de pluie finit par s’accrocher à ses aiguilles et poussa un cri :
- Ahhhhhhhhhh !!
Elles arrivèrent sur une étendue d’eau très belle, sur une grande feuille à côté d’un héron à crête blanche. La goutte de pluie s’exclama :
- On dirait un nénuphar
- C’est un nénuphar, une Menyanthaceae, du nom de Nymphoides indica.»


Une écriture collective

    Les élèves ont tout écrit seuls. Ils ont d'abord travaillé en groupe, en équipe avec des responsabilités : ils étaient répartis en deux groupes. Les auteurs et les illustrateurs.    
    Le premier groupe, les auteurs se réunissent autour d'une table pour discuter pour choisir les mots, sélectionner l'information à partir de dictionnaires, et rédiger ensemble des paragraphes.
    L'autre groupe, les auteurs-illustrateurs se réunissent autour d'une table et dessinent des personnages. Ils peuvent s'inspirer d'albums, d'auteurs pour trouver des idées de l'apparence par exemple de la sorcière. Celle qui a été trouvée définitivement a été choisie par tous les auteurs qui décident toujours de l'apparence finale du personnage-héros.
    Le personnage de «Cûûk» avait été entièrement imaginé, dessiné par les élèves du collège de Paï Kaléone : c'est eux qui ont décidé de la forme définitive du héros. Il a fallu un temps très long avant de sélectionner le héros. Plusieurs dessins avaient été faits, et des parents avaient proposé des «Cûûk» mais qui ne convenaient pas aux auteurs. Ce personnage n'existe dans aucun album, aucun livre excepté les albums contes élaborés par les élèves-auteurs.
    Les illustrations et les textes ont été associés par les élèves-auteurs lors de l'écriture de l'album.
    L'écriture collective est un travail très motivant : les élèves vont écrire les définitions puis vont trouver pour chaque mot un sens dans un lexique. Le mot va devenir un mot magique car les élèves peuvent trouver le sens des mots qui deviennent hypermots sur l'album électronique. L'hypermot donne la possibilité sur l'album électronique d'écrire d'autres histoires, d'autres suites «des aventures de Cûûk » ou de «La goutte de pluie et la boussole».

Comment la documentaliste intervient-elle dans ce travail ?

    Le documentaliste intervient pour guider les élèves à écrire leurs albums-contes. Elle leur explique ce que c'est que le concours «Les dix mots de la rencontre» et leur donne les mots qu'ils peuvent utiliser pour écrire leurs albums.
    Le documentaliste permet la reconnaissance des droits d'auteurs des élèves. Il les guide pour écrire leur album-conte : les élèves ont écrit ensemble et défini ensemble un scénario. La cohérence finale des albums-contes permet la mise en forme, la mise en scène de l'information. Les élèves se servent d'un tableau sur lequel ils vont écrire les bouts de texte qu'ils vont retravailler. Le documentaliste joue un rôle capital pour les aider dans l'organisation du travail: il leur apprend à exploiter l'information et à utiliser des mots sur un tableau avec d'autres pour donner forme au conte.

Et les «dix mots de la rencontre» ?

    Les élèves ont utilisé et intégré les mots proposés pour le concours dans l'écriture de leur histoire, dans l'ordre qu'ils souhaitaient, selon leurs envies, après avoir trouvé les définitions dans le dictionnaire.
    Ils pouvaient prendre deux mots, cinq mots comme ils pouvaient utiliser les dix mots. Les élèves ont choisi d' utiliser les dix mots.

Conte à dire et à jouer

    Lorsque le conte a été imprimé par l'éditeur, les élèves-auteurs ont pu le lire devant d'autres élèves de l'école primaire. Un accord a été passé par convention entre un instituteur (ancien directeur d'école), et le documentaliste. Le conte a été écrit par les élèves pour être lu par des conteurs avec un instrument de musique, le darbouka.
    Le conte est rythmé par la percussion et le percussionniste qui donne le cadre de l'histoire aux élèves, à l'auditoire. Le rythme est rapide, lent, très fort, peu fort suivant les actions et ce qui va se passer. Le percussionniste n'intervient pas sans le conteur et vice-versa. La percussion permet l'acquisition du rythme et favorise aussi la circulation de l'information comme dans les pays (la Réunion, par exemple) où la tradition et l'histoire des sociétés se livrent de manière orale.

Comment font les élèves ?

    Les élèves de la 6ème AIP lisent chacun à leur tour le conte devant les autres pour leur raconter une histoire et ensuite proposent à ceux qui le souhaitent de venir lire à leur tour le conte devant les autres. En ce sens, ils deviennent les guides des élèves qui sont plus petits qu'eux et qui ne connaissent pas encore le collège.    
    Le rôle du conteur est primordial. Il permet de transmettre l'histoire qui a été écrite par le groupe des auteurs à l'autre groupe d'élèves, l'auditoire.
    Il apprend aux élèves à lire un conte correctement: avec le ton, le rythme, la façon de lire en articulant et de manière lente, en parlant très fort. Il permet au conteur de donner des mots aux autres élèves.
    Les élèves sont devenus à la fois conteurs, auteurs, percussionnistes, auditoire. Ils apprennent aux enfants de l'école primaire à devenir des guides, des passeurs de savoir-faire, de savoir dire un conte à d'autres, à savoir dire une histoire dans un souci humaniste. Chacun leur tour les élèves vont lire l'histoire devant d'autres pour leur apprendre à articuler, à raconter : chaque mot permet de guider le conteur dans sa lecture. Il s'agit d'un moment de la communication important qui permet aux élèves de prendre la parole et de les faire rentrer dans l'histoire : la transmission de l'information favorise la vie du conte puisqu'ils guident les autres dans les fonctions qu'ils vont avoir. Les élèves de primaire réagissent tout de suite en répondant aux autres :
«Mais .. »
«Comme Cûûk ne voulait pas se faire manger !»,
    Les élèves répètent la phrase lorsque le conteur la dit pour donner du rythme au conte et pour permettre au conteur de poursuivre l'histoire. L'objectif est de permettre aux élèves de prendre le rôle du conteur et du musicien pour le raconter à leur tour au groupe.
    Les élèves ont tiré parti de leur expérience en devenant auteurs.

Raconter des contes en langue Kanak

    Les langues Kanak sont depuis 1998 avec le français des langues d'enseignement et de culture. Le BOEN n° 42 du 5 novembre 1992 définit l'introduction de quatre langues officielles aux épreuves orales et écrites du baccalauréat dans l'enseignement public et privé.
    L'écriture et la traduction du conte Les aventures de Cûûk : tome II : la sorcière de l'île aux ignames a permis aux élèves de dire le conte devant les autres en français et dans une langue Kanak. Le conte «Cûûk», écrit dans des établissements publics différents sera ainsi traduit par plusieurs auteurs dans la langue de la région où se trouve l'établissement.

    Les conteurs apprennent à conter avec des instruments de musique, le darbuka, comme à la Réunion, mais aussi en s'inspirant des méthodes de transmissions orales des contes Kanak de la civilisation mélanésienne. Pour les élèves dont la langue maternelle n'est pas le français, l'appropriation du français passe par l'appropriation d'une langue kanak qui peut être la langue maternelle d'un élève. Dans la société Kanak, les contes se disent oralement au coin du feu : ce sont surtout les anciens qui content aux autres, et qui transmettent des savoirs et des savoir-faire. Raconter un conte en langue kanak permet de transmettre certains aspects de la tradition culturelle kanak : de la naissance de l'écriture à l'apparition du livre.

pour trouver ces contes sur la toile et les télécharger, adresses des albums-contes :

http://www.cdp.nc/TICE/LIVRE-OUTIL-CONTE/goutte-pluie-boussole.pdf

http://www.cdp.nc/TICE/LIVRE-OUTIL-CONTE/conte2.pdf

 

 

 

 

 

 

Ce travail a été réalisé par le groupe Doc2d (Recherche documentaire au second degré)
Pour nous contacter : bt[arobase]icem-freinet.org" class="moz-txt-link-abbreviated
mailto">bt[arobase]icem-freinet.org
Pour en savoir plus sur notre groupe : cliquez ici!

Fichier attachéTaille
En_Ch_10_ecrire_conte_college. - version imprimable PDF234.17 Ko