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logo blog C’est pas l’homme qui prend la mer, c’est la couche qui prend l’eau !

Je dois bien reconnaitre une chose : écrire un article, si court soit-il, sur l’école maternelle était pour moi a priori totalement exclu.
Non pas que la période des fêtes de fin d’année coïnciderait avec une soudaine envie d’abstinence rédactionnelle mais, fidèle au précepte de Fernand Oury selon lequel il ne faudrait parler que ce que l’on fait (ce qui conduirait d’ailleurs un nombre conséquent d’hommes politique à un mutisme définitif…), je n’ai aucune légitimité pour m’exprimer sur l’école maternelle.

Trois semaines de stage il y a 13 ans dans une classe de tout-petits/petits/moyens ne m’apportent en effet aucune expérience décisive pour donner un quelconque avis.

Mais…
Mais si je n’ai aucune expérience de maitre d’école en maternelle, je suis tout de même un père d’enfants qui ont usé leurs fonds de culotte sur les bancs de la maternelle. Et à l’occasion, je suis aussi l’ami de parents d’enfants de maternelle. C’est à ce titre que j’ai souhaité écrire.


Handicapé de la couche !


Tout est parti d’une anecdote qui m’a semblé être tout à fait révélatrice. Un enfant de petite section d’une école voisine venait d’être exclu de son école (oui, oui, exclu…définitivement !) parce que ce jeune délinquant inadapté avait … des fuites à la sieste !


Alors j’entends d’ici les remarques (et quand je dis « j’entends d’ici », j’ai vraiment entendu ces remarques) : « oui, mais tu comprends c’est normal, l’école maternelle n’est pas une crèche, on n’est pas là pour changer les couches ! Et puis de toute façon, cet enfant n’était pas prêt pour l’école… »

« Pas prêt pour l’école… ». Il existerait donc une préparation à l’école, une école pour l’école ? Et on ne m’aurait rien dit ? Diantre…

Et de poursuivre : « l’école ne peut pas s’adapter à tout le monde, on ne peut rien faire quand les enfants ne sont pas prêts… » La vache, la théorie des dons, carrément !


J’avoue que ces remarques, frappées d’un certain bon sens darcosien, m’ont bousculé, choqué…déçu. …
 Ah bon, tous les enfants ne peuvent donc pas aller à l’école ? Ah bon, l’école maternelle ne serait finalement qu’une chambre d’enregistrement de la capacité innée à suivre des études ? Ah bon, l’accueil de tous les enfants, quels qu’ils soient, n’est pas la fierté d’un système éducatif ? D’une société ?
Je m’étonne donc auprès de mon interlocuteur en lui demandant si des problèmes de « fuite » peuvent justifier de priver un enfant de l’accès à la vie en collectivité, de la possibilité  d’accéder à des apprentissages dont l’intérêt pour la suite de la scolarité n’est plus à démontrer (67 points d’écarts aux tests PISA 2012 entre des élèves de même milieu social à l’avantage de ceux ayant suivi une scolarité en maternelle par exemple) et je lui demande si du coup il refuserait aussi d’accueillir des élèves souffrant d’autres handicaps…


Bref, la conversation tourne à l’aigre et mon interlocuteur conclut que tous les enfants ne sont pas prêts pour l’école, qu’ils n’y sont pas tous adaptés et qu’en définitive, ils seraient bien mieux ailleurs.
Ailleurs signifiant, bien entendu, ailleurs que dans la classe où ils empêchent, ces insolents, ces délinquants de la couche pleine, l’enseignant de « faire avancer les élèves » aussi vite que possible. L’école réservée à ceux qui n’en ont pas besoin, passionnant concept.


Le positionnement est clair et très intéressant : l’enfant, pour devenir un élève (ce qui est bien sûr le but ultime de toute formation…Non ? Ah bon…) doit s’adapter à l’école. Il doit adopter les normes de cette institution, lutter contre sa nature pour devenir l’Elève, avec un E majuscule.
L’enfant n’est donc ici qu’un objet scolaire, façonné par les mains expertes du professeur. Celui-ci se fait donc formateur (il donne la bonne forme) et enseignant (il appose son sceau). Inutile de vous dire à quel point ce positionnement m’exècre ! Il est la négation même de l’enfant comme auteur. Il ne lui permet pas, pour reprendre Pestalozzi « de faire œuvre de lui-même ».


Dans ce cas, serait-ce à l’école de s’adapter à chaque enfant qu’elle accueille ? Cette autre antienne assez répandue me parait tout aussi invalide. Si ce positionnement reconnait chacun comme un individu porteur d’une histoire singulière devant être prise en compte et respectée, elle oublie le rôle social de l’école. Elle oublie que l’école doit permettre aux enfants de faire société, de s’inscrire dans une histoire collective, histoire qui leur est antérieure mais qu’ils vont aussi contribuer à écrire. Elle oublie que l’enfant ne peut pas être qu’un individu, les enfants, comme les adultes, se nourrissent de relations, ils sont des personnes au sens définit par Sylvain Connac, c'est-à-dire des individus appartenant à un réseau de relations et y jouant un rôle. L’école a donc à accompagner cette « personnification ».


Ces deux positionnements renvoient à mon sens à une analyse de l’école en tant que système vivant ou mort. Je rejoins là les analyses de Bernard Collot.


Pour une école vivante


L’exemple de l’enfant rejeté est significatif, significatif d’une école morte incapable de s’adapter au changement, à la nouveauté, à l’imprévu, à l’aléatoire.
L’école doit être un système vivant, tout comme les enfants sont des êtres vivants. L’adaptation doit donc se jouer dans une double dynamique : de l’école vers l’enfant, reconnu comme porteur d’une histoire singulière ; et de l’enfant vers l’école, lieu d’une construction commune, de l’appropriation et de l’écriture d’une histoire et d’une culture communes transcendant les membres de la collectivité école.
L’école maternelle, parce que dans l’écrasante majorité des cas elle est la première école, doit être cette école vivante. Elle doit être l’école qui accueille tous les enfants, qui les accueille pour leur permettre de construire une image de ce qu’est apprendre, et apprendre avec les autres.


L’école maternelle n’est pas l’école qui construit l’individu performant et conforme à coups de fiches, de tests, d’évaluation, de compétition et de hiérarchisation des valeurs et des gens. Elle ne doit pas être le centre de tri séparant le bon grain (l’Elève, appelé aussi fils d’enseignant) de l’ivraie (l’enfant « inadapté », l’irrécupérable sauvageon, chair à canon Chevènementiste).


Elle doit être l’école qui construit la personne, une école non pas de l’enseignement mais de l’éducation, qui nourrit et qui accompagne. Elle doit être l’école qui connait et qui reconnait, dans laquelle les enfants vont pouvoir se mettre en « je » pour se mettre en « nous ».
Les présentations de classe des copines du GD76 auxquelles j’ai eu la chance d’assister (merci à Agnès Muzellec, Sylvie Milan, Dominique Le Bras, Cathy « de Grugny » Delarue…) sont à mon sens autant de pistes pour cette école vivante, accueillante, structurante et structurée dans laquelle l’enfant est une personne, dans laquelle chacun est reconnu comme porteur d’une histoire singulière et co-porteur d’une histoire collective à construire.


Une école qui croit à l’éducabilité dans laquelle finalement si on sait ce que je suis, on ne présage pas de ce que je serai.

Cédric Forcadel, GD76

Oui Cédric tu as raison,

Oui Cédric tu as raison, l'école maternelle doit être avant tout, l'école de la vie, celle où on s'en-visage, celle où on essaie, où on teste, seul, en duo, en groupe.
L'école qui se fait détacher peu à peu du lien mater et pater-nel pour se tourner vers l'autre, ouvrir son regard, ses sens, ses émotions.
L'école qui fait qu'on s'accompagne pour apprendre de l'autre et de soi.
L'école qui met en valeur aussi la différence, parce qu'elle est tellement positive pour se construire et pour le mieux vivre heureux.
L'école où on apprend à tisser du lien, le fondement même de l'être humain, car sans la relation, nous ne sommes rien.
Et l'école qui ne met personne en compétition si ce n'est quand on fait un tournoi d'échecs ( "ah les noirs ont perdu mais peut être que les blancs gagneront", "bravo on a bien joué parce qu'on a joué longtemps" dixit Mathis (5ans) ou encore une course relais participative pour construire une tour avec des briques cachés un peu partout...
Bref, l'école maternelle doit être bienveillante, chaleureuse pour ac-cueillir le petit et le faire se sentir lui avec les autres, et non lui contre les autres.
Amicalement freinétique
la Cathy

Bonjour Cédric, Tu donnes cet

Bonjour Cédric,
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Amitiés