Si au départ, nous avons à pousser les élèves à soustraire du texte, au fil de l'activité, la question du sens est posée. Les élèves, très "naturellement" interrogent l'enseignant sur cet impératif du sens. C'est d'ailleurs ce qui les amène, au départ, en général, à très peu caviarder le texte. C'est pour cela que j'en suis venu à quantifier la demande de caviardage (caviarder au moins 75% de la page) durant les deux premières séances. C'est un travail important parce qu'en fin de compte, il s'agit d'amener l'élève à se dégager du texte (et donc du sens) préexistant pour créer son propre texte, son propre sens. On est bien dans une opération de survenue de la subjectivité et cette survenue s'opère par une expression d'elle-même, finalement.
Ce n'est pas la seule difficulté. En effet, au fur et à mesure, le texte diminuant sous l'effet des touches de soustractions successives les élèves sont confrontés à la figure rhétorique de l'ellipse. Redoutable figure que celle-ci, figure d'un vide appelant son plein de sens. Le texte final du caviardage est nécessairement un texte ramassé, un texte événement.
Sur la base de ce travail, Anne Soustelle est venue proposer une démarche similaire, mais en Arts Plastiques. Nous avons pu, ainsi, montrer aux élèves, par la pratique même, sans discours théorique d'aucune sorte, que le langage plastique et le langage verbal possédaient certaines formes communes. Le travail plastique partait lui aussi d'une page arrachée, mais, bien sûr, la démarche allait varier dans ses modalités d'application.
Page caviardée (en français, étape 1 dans les illustrations), travail sur la typographie, réécriture du petit texte (étape 2) : tel était, en familiarité avec les étapes précédentes, donc, la première séance en Arts Plastiques.
Etape 1 Etape 2 Etape 3 Etape 4
Puis, les élèves réalisent, sur une autre page arrachée, un dessin (étape 3) reproduit 2 fois dans 2 cases l'une sous l'autre. C’est l’image en positif et en négatif du mot clé dont ils ont aussi repéré et entouré les lettres sur la page qui leur sert de support.
Là commence, alors, deux ultimes étapes de caviardage : dans la première, l’étape 4, il s’agit de faire apparaître, sur un papier journal tâché par l'élève (au même format que le livre), parmi les tâches de peinture, des éléments pouvant avoir un rapport avec le petit texte, en les cernant.
Puis, toujours selon le même principe de caviardage et de re-création (on n’est pas dans la reproduction), on aboutit à l'ultime étape du caviardage plastique, le transfert de la tâche choisie accompagnée de son mot clé.
Ce qui peut être souligné, c'est qu'en partant d'une même technique de création, nous avons, de par la spécificité propre de nos disciplines, créé deux formes de caviardage: un caviardage textuel dont nous donnons une fiche pédagogique de séquence de production sous forme de tableau (voir ci-joint la colonne “ objectifs ” et ligne de la dernière étape) et un caviardage plastique de recréation. Nous avons décidé cette année, de poursuivre ce travail pour approfondir cette divergence entre recréation plastique et création textuelle: pourquoi cette divergence dans la réalisation de l’opération de soustraction, alors que nous partions sur des bases de consignes identiques ?
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