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De Porto Alegre à Porto Alegre

Septembre 2001

Le premier Forum social mondial, organisé en janvier 2001 à Porto Alegre (Brésil) en contrepoint du sommet annuel de Davos, a été un succès. Il a confirmé le sursaut da la société civile mondiale, amorcé à Millau puis à Seattle, contre les dégâts du libéralisme à l’échelle de la planète. Un espace s’ouvre désormais pour la promotion concrète de la démocratie participative et d’un développement durable. Dans le sillage de cette rencontre se profile le premier Forum Mondial de l’Education qui se déroulera au même endroit du 24 au 27 octobre 2001.

Durant ces trois jours, Porto Alegre sera le siège d’une extraordinaire rencontre d’éducateurs. Gouvernements, organisations non gouvernementales, universités et écoles s’uniront afin de débattre des thèmes relatifs aux conflits quotidiens qui sont au centre de propositions d’une éducation incluante.

La rencontre devrait se dérouler autour de 4 axes thématiques : Éducation comme droit - Éducation, technologie et travail - Éducation et cultures -Éducation et transformation (nos utopies). (1)

 

Ajustements structurels entravant considérablement les efforts des états du Sud dans le domaine des services non marchands. Essor d’un véritable marché de l’éducation avec démantèlement collatéral, plus ou moins explicite, des services publics dans les pays riches. L’idéologie libérale et ses différentes officines transnationales imposent aujourd’hui leur joug sur l’ensemble des activités humaines, et en particulier sur l’éducation.

Au Sud, le manque de moyens alloués à l’éducation se traduit le plus souvent par le maintien voire le renforcement des pédagogies les plus traditionnelles, malgré les efforts louables d’ONG. Au Nord, la marchandisation croissante de l’enseignement n’est pas seulement la transformation de l’enseignement en marché, elle est aussi adéquation de l’enseignement avec les attentes des marchés.

Or cette idéologie peut rencontrer les idéaux de ceux qui la combattent, en les détournant. Une certaine forme d’enseignement, prônée aujourd’hui par d’influentes organisations internationales comme l’OCDE, met en avant des principes et des techniques proches de la pédagogie Freinet. L’autonomie, le travail individualisé, les fichiers auto-correctifs, la correspondance… sont largement repris. On peut voir alors l’enfant travaillant seul, en liaison avec ses compétences, selon un programme déterminé avec le recours privilégié aux Technologies de l’Information et de la Communication. C’est tout à fait ce que veut le système, être son propre recours, s’autoévaluer pour s’autoformer. Cela devient un abandon, seul au milieu des autres !

Le Mouvement Freinet ne peut que dénoncer ces tentatives de détournement. L’économie libérale renforce l’individualisme où la recherche du bien-être se fait souvent au détriment de l’autre, des autres, où l’on se forme seul contre les autres. Nous prônons la coopération, l’entraide et refusons la compétition car elle est toujours contre, contre un, contre plusieurs et finalement contre tous les autres. Nous préférons l’émulation, le désir de faire avec, pour…

L’économie libérale réclame avant tout des hommes et des femmes employables avec des savoirs opérationnels reléguant au second plan les autres connaissances qui participent de notre culture fondamentale. Reconnaissons, transmettons et partageons toutes ces connaissances dans leur diversité et leur richesse. L’économie libérale demande des hommes et des femmes qui s’adaptent au temps monnayable des entreprises. Apprenons à l’enfant à sentir le temps le sien, celui des autres, le temps de ses tâtonnements, de ses recherches, de ses projets. L’économie libérale veut des hommes et des femmes adaptables, déplaçables qui acceptent leur condition. Mettons les jeunes enfants très tôt dans des situations de pratiques citoyennes pour qu’ils vivent le plus tôt possible l’écoute, le débat critique, la confrontation, l’argumentation, la participation… et la non-soumission.

En refusant la compétition, la marchandisation des savoirs, le tout individuel au profit de l’entraide, de la mutualisation des connaissances, de la coopération, le mouvement Freinet compte bien contribuer à enrayer la logique de reproduction des valeurs marchandes par l’école. En cherchant à s’étendre il vise aussi à former des citoyens capables à leur tour de participer au changement de l’école.

Comme le proclame la Charte de l’Ecole Moderne, la pédagogie Freinet est par essence internationale C'est sur le principe d'équipes coopératives de travail que nous tâchons de développer notre effort à l'échelle internationale. Notre internationalisme est, pour nous, plus qu'une profession de foi, il est une nécessité de travail.

C’est sur ces bases politiques et pédagogiques que l’ICEM-Pédagogie Freinet, en lien avec la FIMEM, compte prendre toute sa part dans la réussite de ce grand rassemblement mondial pour la promotion d’une éducation alternative.

 

Catherine Chabrun et Pierrick Descottes

 

(1) Cf plaquette de présentation du Forum accessible sur http://www.forummundialdeeducacao.com.br