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Tempête dans un encrier

Avril 2001
Vent de folie ce jour-là dans la classe.
Est-ce le temps qu'il fait, le temps après lequel on court ou tout le reste sur lequel on n'a pas plus de prise ? Est-ce ceci ou cela ou je ne sais quoi qui va transformer aujourd'hui le Conseil, si apte d'ordinaire à jouer son rôle de régulateur-médiateur, en grand champ de foire d'empoigne ?
 
Cédric critique Julie qui refuse la critique et rejette la responsabilité sur Joëlle. Nadia pleure et nie et refile le bébé à Vincent qui passe l'affaire à Nathalie qui hurle son désaccord et renvoie à Joseph qui n'en veut pas et n'en peut mais, tandis que Maxime la saisit au bond et en profite pour critiquer... la maîtresse parce qu'elle a dérogé à la Loi, Loi d'or inscrite et affichée au mur de la classe, Loi sacrée, incontournable, non négociable, sans exception et sans appel : "On ne se moque pas."
        
Mais la maîtresse, prise dans l'atmosphère orageuse, s'enferre dans sa mauvaise foi.
"Tiens, dit-elle l'oeil torve, je n'ai pas le souvenir de m'être moquée de toi.
- Ca s'est passé hier, répond l'accusateur. J'ai demandé à aller au tableau pour expliquer comment j'avais fait le problème et vous avez dit : "Ah ! non. Pas toi ! On s'ra encore là demain !
- Tu en es sûr ? Je ne m'en souviens plus.
- Témoins ? " dit Farid, imperturbable président de séance.
Tous les doigts se lèvent.
"Bon, concède la maîtresse, mais si j'ai dit cela, c'est parce que je suis fatiguée de te voir partir dans tes nuages à tout moment. Je refuse la critique parce que je ne sais plus quoi faire avec toi."
 
Alors Farid, lentement, se lève. Lentement, il tend vers la maîtresse un doigt de juste. Son menton tremble. Il inspire une grande goulée d'air et ce qu'il va dire en pesant chacun de ses mots va soulever en moi, la maîtresse, une des plus fortes vagues d'émotion qu'il m'ait été donné de vivre au plan professionnel. Il dit :
"Ici, on a une loi. Cette loi-là, elle nous aide, nous les enfants, elle nous protège. Mais si la maîtresse, elle l'écoute pas, cette loi, alors à quoi elle sert, hein? A quoi elle sert ? "
 
Martine Boncourt, groupe départemental ICEM 67