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Débat autour du classeur de français

Dans :  Techniques pédagogiques › outils › 
Janvier 2011
 

Il s'agit d'un prolongement au texte " Le classeur de français " ; venu d'un travail du groupe girondin de l'École Moderne du 9911/97 et paru dans Liaisons 33 puis dans French Cancans n°13

 

 

 

Dans la perspective qui m'intéresse {Bac de Français}, le classeur de français ne se limite pas à la grammaire d'où l'intitulé de ses chapitres.
 
 
L'élève ne garde souvent que le classeur de l'année qui a été la plus marquante pour lui.
Chapitre 0 : Expression imposée, travail personnel
Chapitre 1 : Méthodes, lecture, culture
Chapitre 2 : Rhétorique, linguistique, grammaire
Chapitre 3 : Art, mouvements artistiques, architecture, peinture, musique, photographie, histoire-géo, sociologie, science, technique, journaux et lettres infimes, essais
Chapitre 4 : Théâtre, cinéma, personnage
Chapitre 5 : Récit, roman, nouvelle, conte, histoire drôle, fait-divers
Chapitre 6 : Poésie chanson, poème en prose
Chapitre 7 : Information, politique, économie, rumeurs, journaux, radio, télévision, multimédias, image
Chapitre 8 : Projet personnel, philosophie, psychologie, religion
Chapitre 9 : Expression personnelle, ateliers, débats, prises de parole
 
Ces têtes de chapitres, qu'on peut modifier et améliorer en fonction des besoins , montrent qu'il s'agit d'un classeur total. II est limité à l'année en cours. Ceci dit, je dégage les points qui me paraissent fondamentaux.
 
1) Tous les ans le schéma est le même : on passe rapidement sur les notions de base logiquement acquises (à définir justement) on les vérifie, on les consolide ; et on en découvre de nouvelles.
 
2) Je demande aux élèves de garder leur classeur, une fois l'année finie, car nous sommes en situation de formation continue. Le classeur contient le savoir fondamental (à définir évidemment). Ce savoir a des formes variables.
 
3} Réviser pendant l'année son classeur n'est pas une démarche spontanée. Il faut qu'elle soit accompagnée. Le pourquoi et le comment de cet accompagnement ne peut être traité ici. (C'est une autre piste de recherche)
 
4} N'est-ce pas surtout pour nous rassurer et comme garde-fou vis-à-vis des parents ? " Je crois rêver. " Nathanaël, je t'enseignerai l'inquiétude " écrivait Gide en 1894 dans Les Nourritures terrestres !On inquiète les bourgeois nantis comme l'était Gide, pas des gens qui vivent déjà dans l'inquiétude, parents, élèves, maîtres et qui ont besoin d'être rassurés. Cette notion d'inquiétude est totalement étrangère à Freinet qui demandait au contraire d'" assurer sa prise " avant d'aller plus haut. Être rassuré est une valeur positive. On construit avec des gens assurés et rassurés, pas avec des gens inquiets. Et ceci dans toutes les situations.
 
5) Je connais autour de moi des personnes qui apprennent. Toutes ont l'équivalent du classeur et s'en servent. Dès que j'entame avec un individu ou un groupe une situation d'apprentissage, je constitue le classeur car c'est le livre de bord et le ciment de l'activité. Où a-t-on vu qu'un savoir solide se construisait sans trace écrite et classée ?
 
6} Rétorica n'est pas un outil publiable et utilisable. C'est un outil mental, méthodologique, à géométrie variable. Les fiches perforées ; le CD-ROM, c'est très secondaire, car les notions indispensables sont très peu nombreuses. L'essentiel n'est pas qu'elles soient consultables, mais qu'elles soient assimilées.
Roger FAVRY 26
 Mars 1997
 
Jacques Brunet était le secrétaire de séance du groupe de travail girondin. Il me répond le 28 Mars, et cette réponse éclaire le débat.
Merci de ta réaction sur le classeur de français. Mais il y a méprise, par ma faute. J'aurais dû être plus précis. Ce que les copains girondins appellent " classeur de français " concerne avant tout le primaire et l'apprentissage de la langue française, de la " grammaire ", ce qui est une question qui surgit régulièrement, posée par les parents : on fait de la grammaire tout le temps, mais pas sous forme de leçons. Ce classeur de " faits de langues " est là pour soutenir ce travail de tous les instants. Et ça me paraît très intéressant. Voir la définition que je donne en tête. C'est sans doute le chapitre 2 de ton classeur de français.
En primaire, un classeur unique et total ne semble ni possible, ni souhaitable pour toutes les activités : expression, créations, recherches, lectures, ... ce serait plein au bout de quinze jours. De plus ces activités sont généralement interdisciplinaires. Les traces écrites sont innombrables et multiformes, et ont donc des fonctions spécifiques, voire des lieux différents dans la classe, cahiers de textes libres, divers classeurs, fiches, livre de vie, journal, panneaux, expos. On ne mélange pas tout... Et pratiques variables suivant les écoles. Je peux t'assurer qu'ils ont beaucoup à nous apprendre quant à la rigueur et aux méthodes. Et pas particulièrement inquiets, mais toujours en recherche.
Ce que tu nommes " classeur de français " concerne les profs de français du second degré, qui ne passent que quelques heures dans chaque classe. Et c'est une pratique relativement répandue, sous des formes diverses, je crois du moins. Je proposais nettement moins de chapitres, et c'était évidemment limité à l'année.
Mon classement ces dernières années:
1) expression personnelle
2) expression imposée + méthodes
3) recherches + CR d'exposés
4) oral (oui, oui)
5) notes de lecture : certaines années dans un cahier spécial, personnel, décoré, relié .. .
8) langue (le " classeur de français " du primaire)
Jacques BRUNET
 
Je reprends !a plume pour préciser les notions en débat
Tout à fait d'accord bien sûr avec l'analyse de Jacques sur les différences de situations entre le primaire et le secondaire. Mais le problème n'est pas là. Le " classeur de français " est non seulement une " pratique relativement répandue " mais une pratique obligatoire, y compris dans le second cycle où j'enseignais. Quand un inspecteur de français débarque, il s'empare immanquablement du cahier de textes de la classe et d'un classeur d'élève. Cette obligation du " classeur de français " est assez mal vécue par un certain nombre de collègues du secondaire, spécialement du second cycle. Eux aussi, comme le groupe de travail, se demandent si finalement ce " classeur de français " ça ne sert pas surtout à se rassurer. C'est contre cela que j'ai réagi vivement et que j'ai pensé que le groupe mélangeait, non les pratiques, mais les problèmes {scepticisme sur l'outil en soi, puis fuite sur les fiches perforées et le CD-ROM}.
Or je pense que nous avons besoin de préciser ce que nous entendons les uns et les autres par " classeur de français ". Non pour arriver à une définition, mais pour enrichir les pratiques et ne pas dévaloriser l'outil. Il peut avoir des structures, donc des fonctions différentes. On le voit très bien en comparant les sommaires et les contenus.
Dans le Nouvel Éducateur n°88 {Avril 97} Janou Lémery a consacré toute une étude au " classeur de français ". J'y ai dit -en partie- ce que nous faisions. Avec le recul je vois que ce qui comptait c'était les notions de base, les fondamentaux, qu'on ne pouvait pas réinventer tout seul et qui constituent les têtes de chapitre de Rétorica-classeur de français. Ces notions courent à travers tout l'enseignement du français : elles sont en germe au primaire, poussent progressivement au premier cycle pour s'épanouir dans le second. Le "bac de français" constitue le point d'orgue de la recherche. A ce moment-là les outils doivent être en place mais ils sont encore mal assurés et en BTS je gardais la même grille pour consolider ou approfondir tel ou tel point.
Le " bac de français " {les épreuves anticipées qui se passent en première} constitue une finalité en soi parce que chacun sent bien qu'on a là collectivement, une étape initiatique essentielle : elle touche à la pratique de la langue, de la rhétorique, des principaux genres littéraires et des principaux problèmes touchant à l'information, à la société et à la constitution d'une sagesse personnelle. Dans cette perspective le " classeur de français " qui en consigne les éléments essentiels paraît vraiment une pièce essentielle au premier et au second cycle.
Nous sentons bien qu'il y a une continuité dans le temps et l'idée mythique d'un classeur qui passerait de classe en classe correspond à ces notions qui se construisent. C'est toujours intéressant de savoir en quoi la pierre que l'on apporte sert dans l'édification de la personnalité. À condition de ne pas inverser les étapes. Ainsi il est actuellement fait grand cas de l'argumentation (1). Dans Rétorica, ce problème est traité très rapidement dans les chapitres 1. Méthodes et 2. Rhétorique. C'est un problème intéressant, fondamental si l'on veut, mais limité. II n'empêche que certains profs du second cycle demandent à leur collègues du premier de s'en occuper .... et j'ai entendu dire qu'il fallait s'y intéresser dès le primaire. Sous une forme atténuée, j'espère !
 
(1) voir Christian Plantin " L'argumentation ", Mémo 23 au Seuil, 96 pages excellentes, tout est là !
 
Je finis sur une " expression personnelle en 200 mots ".
 
Souvenirs 2051
Le 20 Septembre 2051, c'est le jour de non anniversaire. Je décide de montrer à mes petits enfants ce que je faisais à l'école quand j'étais jeune. Mes affaires d'école se trouvent dans un grand carton situé au grenier. En ouvrant le carton, je m'aperçois que beaucoup de mes affaires ont été mangées par les souris et les rats.
En cherchant dans le peu d'affaires qui me restent, je tombe sur le classeur de français que j'avais au Lycée. Je revois la tête du professeur de français que j'avais en BTS. Il était assez petit, de petites lunettes ovales et les cheveux gris coupés en brosse. Je me souviens encore des textes en 200 mots qu'il nous demandait de faire à la maison. Je détestais faire ces textes ; d'ailleurs mes notes s'en ressentaient.
En feuilletant quelques textes que j'avais faits, j'en trouve un ayant une meilleure appréciation que les autres. Ce texte s'intitulait : " Souvenirs 1994 "
 
Patrick Fontanilles, TS2 MAI
(classe des techniciens supérieurs, Mécanismes et automatismes industriels)
Le débat continue.
Roger FAVRY
22/05/97