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Naissance d'une pédagogie populaire 1 - La liaison avec les adhérents

 

LA LIAISON AVEC LES ADHERENTS
 
    C'est durant le printemps 1926 que Freinet fait le point de ses deux années d'expérience dans un petit livre : « L'Imprimerie à l'Ecole ». Ma présence a au moins l'avantage de susciter des critiques, d'aider à la précision des pensées et d'alléger le trop lourd travail qui déjà domine la vie de Freinet.
    En attendant que son modeste traitement qui est l'unique ressource de notre petit ménage lui permette de faire des économies pour l'édition de ce premier livre, il fait circuler son manuscrit parmi ses adhérents. Car il a maintenant de nouveaux adhérents, dont nous allons lire sous peu la liste. Inlassablement, il travaille pour cette grande idée qui l'anime, écrivant quotidiennement de longues lettres à ceux qui l'interrogent, accrochant leur intérêt, les retenant, malgré la pauvreté de sa documentation, car il n'y a à l'époque que de petits textes imprimés à montrer, et souvent bien imparfaits, qui ne peuvent séduire que par le langage qu'ils parlent.
    Le soir, tardivement, il rédige des circulaires pour les camarades, visant à créer cette union permanente des artisans d'une même œuvre. Il est des circulaires tapées à la machine, d'autres tirées à la pâte à polycopie.
    Il est significatif, croyons-nous, de lire la première de ces circulaires de Freinet, car déjà s'y manifestent ses soucis permanents d'établir des techniques basées sur les réalités du milieu et orientant la pédagogie par des moyens pratiques vers une compréhension sociale et psychologique de l'enfant.
 
PREMIERE LETTRE CIRCULAIRE
Le 27 juillet 1926
     Le nombre des écoles travaillant avec l'imprimerie va toujours en augmentant. Nous étions deux seulement l'an dernier. Nous serons six au moins en octobre prochain.
     Pour l'expérimentation d'une technique à ses débuts, une collaboration constante de tous est absolument indispensable. Nous mettons en commun nos remarques, nos trouvailles, nos déboires, ou nos erreurs aussi, afin de nous aider mutuellement. Je vous prie de m'écrire longuement, soit pour demander, soit pour donner des renseignements. Je ferai mon possible pour que chacun de vous profite de ces correspondances.
     L'organisation de l'échange d'imprimés entre écoles doit être notre première préoccupation. Nous avons prévu :
1°) Un échange journalier entre deux écoles d'un niveau à peu près identique.
2°) Un échange mensuel, automatique, entre toutes les écoles travaillant avec l'imprimerie.
     L'échange journalier entre deux écoles est le plus délicat. Il faut, autant que possible, que les deux classes se comprennent parfaitement, et que, en même temps, elles se complètent. C'est pourquoi je ne puis pas, arbitrairement, décréter que telle école échangera ses imprimés avec telle autre. Afin d'établir ces communications dans les meilleures conditions possibles, je vous demande de me donner sans faute, et très complètement, les renseignements suivants :
    — Quel est le niveau de votre classe ? C.P. et E., C.E., C.M., C.S., etc..., en précisant au besoin.
    — Quelle est la structure de la classe ? Combien de divisions ? Quelles divisions imprimeront principalement ?
    — Description sommaire du milieu — ville ou village, paysan ou ouvrier, — industries locales, etc...
    — Parmi les écoles mentionnées ci-dessous, dites celles que vous voudriez choisir comme correspondantes.
    L'échange journalier ne peut guère se faire qu'en France, coût : 0 fr., 20. Les envois à l'Etranger coûtent 0. fr., 25.
    Voici la liste des écoles possédant une imprimerie :
    Freinet, Bar-sur-Loup (A.-M.). — Mlle Ripert, Beni-Saf (Oran). — Van Meer, Bruxelles. — Bordes, Saint-Aubin-de-Lanquaàs (Dordogne). — Daniel, Trégunc (Finistère). — Primas, Villeurbanne (Rhône), auxquels s'ajouteront sans doute avant octobre :
    Alquier, Vias (Hérault). — Alziary, Bras (Var). — M. Ad. Ferrière, Genève, et quelques autres.
    Il faut que nous soyons prêts pour octobre. Je compte sur votre réponse.
    P.S. — Dans une prochaine lettre, je vous entretiendrai du choix et de la fourniture du papier, ainsi que d'un mode pratique de reliure des feuilles imprimées.
    Je viens de terminer le compte-rendu général de notre expérience d'Imprimerie à l'école. En attendant que le livre soit édité, je communique à nos collaborateurs une copie de mon travail. Je vous prie de le garder le moins possible afin que le roulement soit assez rapide (cinq à six jours doivent suffire).
ORDRE DE LA CIRCULATION
    M. René Daniel, à Trégunc (Finistère). — M. Primas, 124, cours E.-Zola, Villeurbanne (Rhône). — Mme H. Alquier, à Vias (Hérault). — M. P. Bordes, à Saint-Aubin-de-Lanquais (Dordogne). — Mlle Ripert, à Beni-Saf (Oran). — M. Alziary, à. Bras (Var). — M. R. Van Meer, Directeur de l'école moyenne, rue de la Prospérité, à Bruxelles. — M. Ad. Ferrière, Directeur du Bureau International des Ecoles Nouvelles, 10, Chemin Feschier, Champel, Genève. — C. Freinet, Bar-sur-Loup.
      Je prie mes collègues de donner autant que possible leur adresse de vacances au collègue qui doit leur envoyer le manuscrit.