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Dits de Mathieu - Problèmes de rentrée

Septembre 1959

Quand l'ouvrier s’accroche avec son contremaître et qu’il porte comme une obsession le souci d’affronter l’atmosphère déprimante d’un milieu hostile, il préfère chercher ailleurs son gagne-pain. « J’en ai mal au ventre », dit-il avec rancœur.

Quand la ménagère doit faire antichambre dans les bureaux antipathiques où elle attend désespérément pendant des minutes qui semblent des heures, une angoisse la prend, sa tête se vide ; il n’y a plus ni passé ni futur, mais seulement un présent sans horizon et sans espoir. « Je ferai n’importe quoi, dira-t-elle, mais ne me demandez pas d’y retourner. J’en deviendrais malade. » Si elle a des lettres, elle vous parlera de complexes et de névroses.

Pourquoi les enfants réagiraient-ils autrement ?

En cette rentrée d’octobre, ils arrivent neufs et confiants à la porte de l’Ecole. S’ils y sont bien accueillis, si la classe n’est pas surpeuplée, si le maître peut s'occuper d’eux et sait accrocher et mobiliser leur besoin de connaître et de créer tout ira bien, votre enfant réussira.

Mais si, dès que se ternissent les clinquants de la nouveauté, il piétine en classe, s’il attend trop longtemps dans l’antichambre le rayon de soleil qui ne vient pas, s’il échoue dans ses essais et supporte mal des reproches qu’il ne croit pas mérités, lui aussi prendra mal au ventre ; il sentira parfois sa gorge se serrer, ou sa tête se brouiller jusqu’à lui laisser l’impression hallucinante d’être comme dans un piège où il se débat en fermant les yeux de rage.

Et lui aussi vous dira : « Fais-moi faire n’importe quoi pourvu que ce ne soit pas du travail d’Ecole. »

Que parlent ainsi des anormaux aux réactions mineures en face de la vie serait, hélas ! quelque peu explicable. Mais qu’une proportion croissante d’enfants normalement doués porte en elle ce dégoût de l’Ecole, qui devient comme un dégoût généralisé du travail et de l’effort, c’est la plus grave condamnation qui puisse menacer une organisation éducative et la pédagogie qui en est l’expression technique.

Nous avons du pain sur la planche.