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Les Dits de Mathieu : Au coeur de l'homme

Janvier 1955

Le travail, c’est comme le cœur social de l'Homme.

Le jour où il lasse en produisant une douleur physique ou morale qui va s’approfondissant, c’est qu’une erreur ou un accident ont brouillé la fonction normale du mécanisme.

Il arrive, certes, que pour compenser les dépenses de l’effort physique ou pour réagir contre un brusque danger, le cœur batte plus fort, comme un moteur qu’on accélère au pied d’une montée. Mais il retrouve aussitôt son rythme dans une sorte de bien-être au calme revenu.

Le travail nécessite lui aussi bien souvent une tension puissante pour triompher de l’obstacle à vaincre et parvenir au but. Mais le repos et le sommeil interviennent qui sont comme la phase bienfaisante de l’action.

Si le cœur, après l’effort, ne retrouve plus son régime, si le sang comme une eau boueuse s’attarde dans les conduits, le médecin dira : surmenage... Il faut réduire le travail que nous lui demandons, mettre le corps au repos ou même tenter une saignée. Solutions provisoires qui ne sauraient corriger le trouble évident du mécanisme.

Si l’on vous affirme aujourd’hui : l’enfant est surmené... il nous faut réduire les programmes ! C’est non pas que vous avez demandé une trop grosse masse de travail mais que vous avez troublé une fonction naturelle, que vous avez présenté comme travail des exigences qui s’incorporent mal à nos nécessités vitales, que vous avez fait tourner le moteur à vide au risque de l’emballer ou que vous l’avez nourri d’une essence impure qui calamine le moteur.

Alors, il n’y a plus de repos parce qu’il y a non plus fatigue mais blessure, parce que des brèches s’annoncent que vous ne pourrez plus colmater et qui risquent de rendre pénibles et obsédants toute action et tout effort.

Il faut vraiment une accumulation de fausses manœuvres pour fatiguer un cœur qui tourne si doux que nous ne le sentons point battre. Il faut une aussi dangereuse accumulation d’erreurs pour donner à l’enfant la crainte, puis le dégoût d’une fonction aussi naturelle et aussi noble que le travail.

Replacez ce travail dans le circuit de ta vie. Donnez-lui un but et un sens. Qu’il nourrisse et impulse votre naturel comportement. Qu’il soit au cœur de votre destinée individuelle et sociale.

Il restera peut-être à aménager les programmes dans l’entreprise nouvelle équipée d’espace, d’outillage, d’art et de lumière, sans compter l’âme et l’idéal qui en sont le soleil.

Mais il nous faut mieux que des discours pour redonner au travail sa permanence et sa dignité.