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logo blog Coronavirus et Ministre du XXI siècle

La crise du COVID-19 a frappé de plein fouet notre école publique et a permis de révéler plusieurs choses essentielles :

– Elle a d’abord permis de casser bien des idées reçues sur les professeurs et l’enseignement comme le rappelle Philippe Watrelot dans sa tribune « Scolarovirus » sur le site des Cahiers Pédagogiques.

 http://www.cahiers-pedagogiques.com/Scolarovirus?fbclid=IwAR1y47IiRWT1Pd31ZcRmJL6fCWP5xF771y6Wf7IK16l2oLWTichSfo-UzkI

– Elle nous a rappelé avec force que, plus que jamais, il nous faut des services publics de qualité, seuls capable de soutenir une nation en danger. Il est plus que jamais nécessaire de redonner les moyens aux bras armés de l’état (Hôpitaux, écoles, collectivités, poste...) pour remplir leurs missions.

– Non, contrairement aux affirmations péremptoires du ministre de l’Éducation Nationale, nous n’étions pas prêts ! Personne ou presque n’avait, dans les rangs des enseignants, entendu parler de la plateforme « ma classe à la maison » qu’il fallait, en seulement un weekend, avoir mise en place pour assurer la « continuité pédagogique ».

Non, nous n’étions pas prêts ! Les écoles n’étaient pas équipées pour protéger enfants et personnels contre la transmission du COVID-19, et elles ne le sont toujours pas !

Non, les parents qui télétravaillent n’étaient pas prêts à faire, « en même temps », classe à leurs enfants et à se transformer en enseignants improvisés. Faire apprendre est un métier qui... s’apprend !

Non, les enfants, et notamment les plus jeunes, n’étaient pas prêts à recourir à l’enseignement à distance !

Non, les familles les plus fragiles n’étaient pas prêtes à devenir profs particuliers, parce qu’elles n’en avaient pas les connaissances, parce qu’elles ne disposaient pas du matériel adéquat !

– Oui, l’absence d’école renforce gravement les inégalités scolaires, fortement corrélées aux inégalités sociales. Il est donc essentiel que vive une véritable école publique à la hauteur de ses ambitions et à même de faire réussir tous les enfants, quel que soit leur milieu.

– Oui, la relation humaine est indispensable en éducation pour faire apprendre et créer du lien.

– Oui, l’école c’est autre chose qu’apprendre à lire, écrire et compter ! L’école c’est l’institution qui nous réunit, qui fabrique du commun, qui forme des enfants pour qu’ils deviennent des citoyens et citoyennes libres, émancipés et coopérants. L’école est avant tout une institution qui cimente une Nation, une institution qui unit et qui libère.

– Enfin, « l’école du XXI siècle » dont rêve Jean-Michel Blanquer, une école 2.0, hyper-connectée et bientôt hors-les-murs, cette école-là est une hérésie, un contresens, un danger.

Puisque Jean-Michel Blanquer veut des « enseignants du XXI siècle », il est temps que nous aussi, nous réclamions « un ministre du XXI siècle ».

Alors, rêvons un peu...

Rêvons d’un ministre qui soutiendrait, valoriserait et respecterait les enseignants. Un ministre qui, par exemple, fournirait les indispensables éléments de protection pour les enseignants accueillant les enfants de personnels soignants.

Rêvons d’un ministre qui aurait confiance dans les capacités des professeurs et qui leur permettrait de les exprimer pleinement, sans caporalisme stérile. Un ministre qui n’aurait pas cherché à les museler dans son article 1 de sa loi sur « l’école de confiance » (rires dans la salle).

Rêvons d’un ministre qui tiendrait compte de leurs souhaits, de leurs besoins exprimés et de leurs avis éclairés pour concevoir les formations initiales et continues.

Rêvons d’un ministre qui leur donnerait, enfin, les moyens humains et techniques de se former et de se co-former en rétablissant les postes de remplaçant « stage », en permettant des visites de classes d’autres collègues et en dotant les enseignants d’outils de travail modernes.

Rêvons d’un ministre qui remettrait l’éthique au cœur de la relation éducative et du fonctionnement de l’Institution. Un ministre donc qui sanctionnerait sévèrement le DASEN des Bouches-du-Rhône qui demande aux directeurs d’école de remonter le nombre de morts causés par le COVID-19.

Rêvons d’un ministre qui affirmerait haut et fort que la mission de l’école n’est pas seulement d’apprendre à lire, écrire et compter (car ce ne sont que des outils), mais qu’elle doit permettre de former des citoyens libres, responsables, formés à l’exercice démocratique et sachant coopérer.

Rêvons d’un ministre honnête et responsable qui ne s’entêterait pas à donner l’illusion qu’en ces temps de confinement, « tout est prêt » dans une « Nation apprenante ».

Bien sûr, tout ceci ne semble être qu’un rêve, mais comme le dit le poète « cette époque a besoin d’espoir, soyons un peu rêveurs, il faut y croire pour le voir ».

Cédric Forcadel, enseignant, militant pédagogique, auteur de « Dessine-moi une école où il fait bon vivre »

Bonus : Une tribune collective pour s’élever contre la « continuité pédagogique » made in Blanquer, il est encore possible de la signer !

http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2020/03/23032020Article637205439981695522.aspx