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De la recherche graphique à l'expression

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Décembre 1996

 

 

 

 CréAtions 74 - publié en novembre-décembre 1996 - Calligraphie/écriture -
 

Ecole maternelle de Lagnes (Vaucluse) – Enseignante Annie Solas

 

 

De la recherche graphique


                         à l’expression

 

 

 

A l’âge de deux ans, l’enfant prend une feuille, s’assoit ; d’un geste encore saccadé, haché, il laisse une trace et puis s’en va… Il a fait un dessin, il peut reproduire ce comportement indéfiniment.

C’est toute l’attention qu’on va y accorder qui valorisera son graphique: le regarder, dire, échanger, le présenter sur un support ou encadré, le montrer.

 

 

Comment faire évoluer ce geste, en faire émerger la conscience, faire naître le désir d’agir sans nuire à la spontanéité du geste créatif pur, sans le dénaturer par des apprentissages techniques ?

 


Myriam, 2 ans

 

Adrien, 3 an

Il est tentant de chercher à vivre une expérience de ce style dans une section de petits, où ceux-ci n’ont pas la chance des enfants de classe enfantine d’évoluer au côté des plus grands.

A cet âge, la capacité à observer, à s’exprimer, à communiquer, à être attentif est balbutiante. Elle va se développer parallèlement à la socialisation. C’est le mode de vie de la classe qui favorisera cette progression.
 
 
 
 
Je m’interdis toute consigne, sans négliger ma part d’action, d’intervention, d’induction ; mais avant tout, les matériaux, les échanges doivent induire le geste.

Chaque matin, à l’accueil, une grande table est installée, entièrement recouverte de carton, de papier de textures différentes ou même de tissu. A côté, sur deux petites tables, des matériaux : crayons gris, couleur, fusains, craies, feutres, peinture, pinceaux, rouleaux, couteaux, etc. sont proposés. Un par un d’abord, puis plusieurs en même temps, le choix est inducteur. Les enfants s’installent, debout le plus souvent pour une plus grande liberté du geste.

 
L’accès de l’atelier est limité, il faut apprendre à s’y succéder, à laisser la place. Présente à l’installation des enfants aussi souvent que je le peux, j’observe, dialogue avec eux.

Amandine, 2 ans et demi

Mélanie, 3 ans

Ils agissent le plus souvent en silence, mais peu à peu, des expressions jaillissent, ils s’expriment. Au bout de trente minutes, nous accrocherons l’œuvre du jour. Un moment de l’entretien lui sera consacré.

Pour citer un exemple de ce qui se passe, pendant un temps "la mode" est, dans un autre atelier, de faire des chemins de cailloux qui "ne s’arrêtent plus…", se croisent, etc. Un jour, Léo trace à la peinture noire un trait qui tourne, retourne, s’allonge, occupe l’espace au fur et à mesure que Léo fait le tour de la table.

 Léo, 2 ans

"Tu vois, j’ai fait aussi un chemin, tu dis aux autres de pas l’abîmer."Les «autres» remplissent précautionneusement les espaces de couleur. Les copains mettent à la mode le chemin de Léo.

On regarde, bavarde, commente : celui qui a fait, les autres… Très vite, ils aiment ce moment. Je prépare des fenêtres de dimensions différentes pour isoler des espaces. Après la récréation, ces espaces sont découpés, affichés.

Des échanges de ces créations émergent des idées d’agir, des propositions de trace, de geste qui, sans que je le demande, deviennent des consignes naturelles entre eux. Ce même atelier est proposé pendant des jours. Les enfants ne sont pas obligés de s’y présenter, "invités à" to
ut au plus, mais peu l’évitent. Il est très recherché. 


Un atelier vient en prolongement de ce travail : une grande table à côté d’un meuble à casiers, dans lequel les enfants disposent d’un éventail de tous les matériaux utilisés le matin (papiers, cartons, de format et texture différents).

Les enfants deviennent plus autonomes ; dans une grande boîte toute proche, les éléments des recherches du matin sont là, comme des fiches.

Katarina

 Camille, 3 ans

Ils apprennent à choisir une "fiche" pour déterminer le choix des matériaux, une forme d’action. C’est comme une consigne non formulée. Mais cela est surtout vécu comme un déblocage, une incitation à agir. Au début, certains tentent de reproduire, mais presque toujours et de plus en plus, ils imaginent autre chose à partir de là. Chaque enfant s’exprime personnellement; rien ne se ressemble.

Quel cheminement s’est fait dans leur inconscient,
au cours des échanges ?

Les deux ateliers vivent, les enfants y viennent spontanément avec un réel plaisir et parfois beaucoup de jubilation. Ils apportent leurs productions sur le mur d’exposition.

Un temps d’observation et d’échange y sont consacrés, qui peu à peu, ont des retombées. On voit un travail prendre, inconsciemment sans nul doute, une forme, une allure que la discussion a fait émerger.

Ils progressent dans l’intériorisation de leur démarche, dans la durée de celle-ci.

Pour les plus grands, ce sont des gestes conscients qui apparaissent en même temps qu’un projet oralisé : "Tu sais, aujourd’hui, je ne vais pas faire ça… mais, je vais faire…" et ils réutilisent le vocabulaire, les formes syntaxiques de nos discussions. Leur langage s’enrichit, se précise, la communication entre eux s’installe, ils se regardent… Ils regardent les productions de leurs camarades et ceux-ci en action. Certains ont besoin de plusieurs séances pour réaliser un travail ; ils rangent, reprennent, assurent une continuité.

On est loin du : "il trace… et puis s’en va…"

Les travaux sont affichés à tour de rôle, tous sont présentés sur Canson ou carton et un mur y est consacré où j’explique le déroulement depuis la création collective. Les parents y portent un grand intérêt et viennent regarder chaque soir. Des petits groupes se forment, la discussion s’installe chez les adultes, et les enfants, bien sûr, y participent.

 

sommaire Créations 74   

             

Craies
Encre
Feutres
Peinture