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Décembre 1966

Qu'est-ce que cette école — dites-vous peut-être— où les enfants n'ont pas un chargement de livres à traîner, où ils n'étudient plus de résumés, ne s'ennuient plus sur ces mêmes devoirs qui vous ont tellement excédés quand vous étiez écoliers ?

Nos ancêtres portaient sur le dos de lourds fardeaux de fumier, de foin ou de ramée, et peinaient de longues journées à bêcher leurs maigres champs.

Vous partez aujourd'hui en sifflant au volant de votre camionnette, et le tracteur est plus docile et plus rapide que la bêche primitive ou même que l'attelage à bœufs. Et pourtant le rendement est incontestablement meilleur.

Les techniques de travail de notre école se sont tout simplement modernisées : le tracteur y a remplacé l'araire à âne. Il se peut que vous soyez parfois étonnés et inquiets comme l'étaient les paysans qui ont vu passer dans leurs champs les premiers tracteurs : « Est-ce qu'ils creuseront assez profond ? L'odeur de l'essence ne donnera t-elle pas de maladie? Et si ça se détraque ? Que deviendront nos bêtes inutiles ? »

L'expérience seule vous a rassurés.

Les techniques modernes qui vous surprennent ont, elles aussi, été éprouvées dans des milliers d'écoles ; les résultats aux examens ont montré leur efficience ; les inspecteurs en ont reconnu les avantages pratiques. Loin de vous en émouvoir, vous vous demanderez pourquoi, dans certaines écoles, on laboure encore avec des araires à âne, au siècle de l'essence et de l'électricité. Vos enfants étudieront moins de leçons, feront moins de «devoirs», ne bâcleront pas de punitions, mais vous les regarderez vivre et travailler.

Et s'ils aiment l'école, s’ils y apprennent à travailler et à aimer le travail, vous pouvez être tranquilles et vous pouvez nous faire confiance : ils deviendront des hommes.

C. FREINET « Pages des Parents », 1949