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Guide général de l'Ecole Moderne

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Novembre 1954

Par quoi commencer, nous demandent sans cesse des camarades de bonne volonté qui sentent les inconvénients et les dangers de l'Ecole traditionnelle et qui voudraient bien «faire mieux ».

Nous disons tout de suite que nous n'avons pas de recette générale et définitive, comme un livre qui s'ouvrirait de A jusqu'à Z et qu'il suffirait de suivre. L'éducation est une affaire trop délicate et trop complexe, trop dépendante de facteurs sur lesquels nous n'avons souvent que bien peu de pouvoir pour qu'elle souffre ainsi de se mettre en équation.

Nous faisons confiance à l'éducateur pour l'intelligente « Part du maître » qu'il devra apporter, dans la pratique, pour l'interprétation, à sa mesure, de notre GUIDE GÉNÉRAL.

 

10° Tu es à la croisée des chemins, et c'est un choix qu'on te demande.

Tu as, d'un côté, la pédagogie traditionnelle, telle que tu l'as connue et subie. Nous ne disons pas que les procédés, les techniques et les méthodes inventés par les éducateurs dans le cadre de cette pédagogie soient tous à rejeter. C'est le fondement qui est mauvais et faux.

Au cours de ta scolarité, on ne t'a pas souvent demandé ce qui t'intéressait, ce qui te plaisait, ce que tu aurais fait avec enthousiasme et avec emballement. Les éducateurs se méfiaient de cet emballement qui risquait de faire négliger des disciplines jugées essentielles.

Les bureaux officiels avaient établi des programmes, pas forcément mauvais d'ailleurs, valables pour toute la France. Les manuels avaient repris et développé ces programmes systématiquement, et ils étaient valables pour toutes les classes et pour toute la France. Ils comportaient—bien imprimés et même illustrés, comble de luxe ! — les leçons à apprendre, les résumés à étudier, les devoirs à faire. On ne vous demandait pas si cela vous plaisait ou non. C'est comme lorsqu'on entre à l'hôpital : il faut prendre les potions et subir les opérations jugées indispensables.

On ne se demandait même pas si ces devoirs, ces leçons et ces résumés étaient utiles. Ils seront utiles plus tard, nous disait-on. Et l'expérience nous a prouvé que, ce faisant, on négligeait certains aspects essentiels de l'éducation que nous avons dû cultiver par nos propres moyens.

Là, et dans son fondement, réside la tare essentielle de l'Ecole traditionnelle.

Si tu essayais de passer par l'autre chemin ?

Tu sais par expérience que lorsqu'on éprouve le besoin de faire quelque chose, lorsqu'un grand espoir luit, lorsque l'intérêt « fonctionnel » est accroché, lorsque c'est notre vie elle-même qui est en cause, alors on prend des ailes :

— on comprend beaucoup plus vite, comme dans un éclair ;

— on travaille beaucoup plus vite, avec moins de fatigue anormale, et jusqu'à l'extrême limite des forces physiques ;

— on ne redoute aucun obstacle. Au contraire, les difficultés stimulent l'audace ;

— si on rencontre un peu d'aide et d'encouragement autour de soi ; si on tire du milieu l'aide technique qui nous manque,

...alors on va loin, certainement beaucoup plus loin et beaucoup plus vite que par les méthodes traditionnelles.

Seulement, ce chemin est nouveau, pas toujours totalement débroussaillé. Tu ne le connais pas et tu hésites. Il y a pourtant des milliers de camarades qui ont travaillé, en pionniers, depuis vingt ans, pour l'ouvrir à la circulation.

Tu peux, avec confiance, te joindre à eux. Et chemin faisant, tu donneras encore quelques bons coups de pioche.

11° Détecter les besoins et l'intérêt des enfants, s'appliquer à les satisfaire en suscitant au maximum l'enthousiasme et l'audace qui ne sont pas exceptionnels chez l'enfant, qui lui sont au contraire, naturels et indispensables, qui sont dans le domaine du comportement l'oxygène qui entretient et stimule la vie, là est le véritable et le grand secret de toute éducation, tant dans la famille qu'à l'Ecole.

Tous les procédés, toutes les techniques, toutes les méthodes qui parviennent à ce résultat, non pas exceptionnellement, mais le plus souvent possible, sinon en permanence, sont recommandables.

Nous en avons expérimenté un certain nombre, dans le cadre des possibilités de notre école. Nous te dirons ceux qui nous ont le mieux réussi. Et puis, dans ce cadre, selon tes propres possibilités, tu feras les expériences.

Mais aie toujours l'œil sur le degré d'intérêt et d'enthousiasme. Qu'ils soient ta boussole. Quand l'aiguille baisse, il y a danger. Même avec des méthodes soit disant modernes, tu t'en retournes à la scolastique ; si elle monte, sois -satisfait de ta classe et de toi-même.

Tu es sur la bonne voie,

(à suivre.)