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Relations avec le Syndicat National

Mai 1937

« Le Congrès, qui a discuté de la question, aurait sans doute émis un vœu, peut-être esquissé des directives. Mais un souci légitime nous en a fait abstenir. Nous avons craint que des gens mal intentionnés profitent de cette occasion pour arguer que nous nous immisçons dans le mouvement syndical, que nous noyautons le S.N. au profit de je ne sais quelle tendance politique ou syndicale.

Nous serons plus à l’aise alors pour nous en expliquer dans cette page ;
Que nous le voulions ou non, notre mouvement est maintenant parti vers la divulgation de plus en plus grande de nos techniques ; la conséquence de cette divulgation est la nécessité où nous sommes placés d’élargir malgré nous notre mouvement pour répondre aux besoins pédagogiques de ceux qui nous rejoignent. Nous cessons – nous avons cessé – d’être un petit groupe d’expérimentateurs pour devenir un grand mouvement pédagogique, le seul mouvement pédagogique de France, dont l’action sur l’évolution de l’école publique est et sera considérable. On a souvent comparé ce mouvement au mouvement Decroly en Belgique, dont le nouveau Plan d’Études belge est en grande partie le glorieux aboutissement. S’il nous manque peut-être, pour l’instant, certaines possibilités d’expérimentation scientifiques qui ont largement servi le Dr Decroly, nous avons par contre, dans notre groupe, un dynamisme dont on chercherait en vain le pendant dans d’autres essais français ou étrangers.
Pour la première fois en France et peut-être dans le monde (URSS excepté), ce n’est plus une personnalité exclusivement qui lance un mouvement ; ce ne sont plus des groupes restreints d’officiels ou de chefs qui le dirigent ou l’exploitent. Ce sont les éducateurs eux-mêmes qui prennent en main, avec une conscience et un enthousiasme émouvants, la réadaptation aux nécessités actuelles de leur école et de leur pédagogie.
Nous ne pouvons pas trahir tous ses espoirs, réprimer ces élans. Au contraire, par la collaboration active de centaines de camarades, nous allons plus pratiquement et plus effectivement que jamais donner corps de plus en plus à ce qui sera la pédagogie populaire de demain.
Cette action, on le voit, se développe parallèlement au mouvement syndical qui veut lui aussi, et doit vivre et se développer par l’action incessante des larges masses d’éducateurs. Il serait même normal et souhaitable que, à défaut d’une intégration de notre action dans le mouvement syndical, il y ait collaboration permanente entre notre Coopérative et le Syndicat National.
C’est une chose naturelle, souhaitable. Nous ne l’esquissons pas par calcul, mais parce que nous la croyons être une nécessité historique de la conjonction de forces qui devraient être unifiées. Nous pouvons beaucoup pour le mouvement syndical en apportant aux éducateurs, aux jeunes surtout, le goût de l’action pédagogique, le goût du travail professionnel bien fait, ciment nouveau et indispensable pour des syndicats d’instituteurs. Le Syndicat nous aiderait aussi parce qu’il peut, seul, nous offrir la possibilité permanente d’entrer en contact avec les masses d’éducateurs que nous devons toucher.
 Cette collaboration, ce travail parallèle, fusionné, sont nécessaires. Nous les souhaitons, nous les préparons, loyalement, sans aucune arrière-pensée. Et aucun geste dans le passé ni dans le présent ne doit laisser aucune suspicion d’aucune sorte dans l’esprit des camarades, nul ne peut dire que nous n’ayons pas offert, en toute camaraderie, en toutes occasions, à quelques tendances qui l’aient sollicité, – notre collaboration pédagogique absolument désintéressée.

 On ne  nous a pas toujours compris. Ceux qui ont toujours fait leur tâche avec dégoût, pour gagner – ou pour toucher leur mois en attendant la retraite, n’ont pas compris que nous offrions aux éducateurs un autre but et une autre dignité. Alors ils ont vu dans le prosélytisme de nos adhérents comme une menace dont ils ne mesuraient exactement ni les intentions, ni les buts, mais dont ils voulaient se prémunir.

L’ère de cette incompréhension n’est pas close. Nous espérons du moins que, après cette courte explication, les responsables syndicaux accepteront loyalement comme nous l’offrons, notre collaboration permanente.
Il y a d’ailleurs des précédents qu’on ne saurait négliger : dans certains départements, nos camarades imprimeurs sont les responsables de la commission pédagogique du Syndicat ; partout où des conférences et expositions ont été organisées par nos groupes – avec ou sans ma participation – c’est le Syndicat qui en a accepté la responsabilité ; la Section des Alpes-Mmes enfin a patronné officiellement notre Congrès de Nice.
Il faut que cette collaboration permanente se généralise. Dans tous les départements, nos adhérents, qui sont en général les éducateurs les plus actifs pédagogiquement, doivent entrer dans les Commissions pédagogiques du Syndicat, en prendre même la responsabilité totale si possible, rédiger la partie pédagogique du bulletin, prendre l’initiative des manifestations pédagogiques. Par leur action sincère et totale au sein des syndicats, ils assureront indirectement mais de la façon la plus efficace et la plus souhaitable cette collaboration que nous avons reconnue indispensable.
Nous ferons mieux ensuite : les grandes questions que l’actualité nous force à mettre à l’ordre du jour, celle du Nouveau Plan d’Études par exemple, celle du Certificat d’Études, doivent être mises à l’étude par nos camarades au sein des syndicats ; nos questionnaires, nos appels doivent être diffusés dans la presse syndicale. Les problèmes qui le méritent devront être même soumis à l’étude des Congrès nationaux.
S’il est bien admis que nous ne saurions être soupçonnés d’un quelconque noyautage, que nous ne visons que la réalisation, par l’appui indispensable de forces syndicales, des revendications pédagogiques de groupes toujours plus importants d’éducateurs ; si on est persuadé, dans les milieux syndicaux, que cette action – sous le contrôle permanent des syndicats d’ailleurs – ne saurait que servir l’action syndicale elle-même, prenons toutes dispositions pour l’efficacité maximum de notre action commune.
Le Congrès a nommé des camarades et des Commissions responsables de quelques-unes de nos activités principales. Pratiquons de même sur le Plan pédagogique-syndical. Nommons une Commission avec son responsable, choisi parmi les camarades qui ont su déjà pratiquer cette collaboration que nous voudrions généraliser et harmoniser. Cette commission aura mission de s’occuper de tout ce qui concerne nos rapports avec les syndicats : action pédagogique départementale et nationale, sections pédagogiques, collaboration officielle de nos filiales, action à mener pour la défense au sein des syndicats des revendications formulées dans les Congrès du S.N., etc.
Camarades secrétaires départementaux, Camarades de la direction du S.N., sommes-nous d’accord ?
Si oui, au travail ! Vous pouvez compter sur notre dévouement entièrement désintéressé. »