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TRAVAIL D'ÉQUIPE : FRANCAIS, DESSIN, TRAVAUX MANUELS

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Février 1976

 

TRAVAIL D'ÉQUIPE :
FRANCAIS, DESSIN, TRAVAUX MANUELS 1
SEPTEMBRE 1974 :
Une classe de 6e de trente-deux élèves : nous avons demandé et obtenu d'avoir toutes les deux la même classe, en même temps. Sur le papier j'ai la 6e2 gr.1 le mardi de 14h à 15h, pendant que le gr. 2 est en dessin -travaux manuels avec Janine ; de 15 h à 16 h nous échangeons les groupes. En fait, nous nous organisons à notre guise :
 
- ou bien toute la classe se réunit avec nous deux, pendant une demi-heure ou une heure ...
- ou bien - selon les nécessités du travail - Janine ne garde que le tiers ou le quart de l'effectif, pendant que les autres restent avec moi.
Organisation très souple, qui variera sans cesse au cours de l'année, qui exige bien sûr l'approbation de la directrice, car il y aura le mardi après-midi, beaucoup d'allées et venues, du bruit et du désordre apparent.
 
PREMIER TRIMESTRE :
La Préhistoire est au programme de 6e ; je sais que les gosses en général raffolent de cette période ; mais nous leur proposons de prendre "un bain de Préhistoire" en français, dessin, travaux manuels ; les gosses acceptent (comme ils auraient sans doute accepté une autre proposition). Au départ nous avons été directives :
- en dessin, fabrication d'outils, d'armes, de vêtements préhistoriques
- construction d'une "grotte" préhistorique
- en français : deux romans de groupe s'élaborent sur la vie et les aventures d'une harde de la Préhistoire (utilisation de BT pour la documentation, lectures dirigées de quelques pages de la "Guerre du Feu" ...)
Plusieurs situations des romans sont exploitées en "mime - peu dramatique" : les enfants armés de haches, lances, massues fabriquées en cours de dessin, affublés de "peaux de bêtes" (en laine) sautent, bondissent, rampent, grognent, hurlent pour mimer la chasse, l'affût, le festin, la découverte des "pierres rouges" (le feu) etc. Il aurait été passionnant d'associer pleinement la collègue d'histoire à tout cela : elle est vaguement intéressée, sympathisante, mais pas du "tout dans le coup" ...
Un troisième larron intervient alors : Gaby, le directeur de la M.J.C. (il avait déjà travaillé l'année précédente avec Janine).
Pour commencer il vient prendre des diapositives en couleurs des "hommes préhistoriques" - quelques élèves apprennent alors à se servir d'un appareil photo - et il propose aux élèves de venir les développer à la M.J.C. Avec l'accord de la directrice - assez réticente - le mardi après-midi, nous emmenons les gosses à la M.J.C. (à un quart d'heure à pied du collège). Janine travaille à l'atelier de peinture ; Gaby s'occupe des diapos avec des petits groupes de huit à dix élèves, pendant que le reste fait du "mime - expression corporelle" avec moi dans une des salles de la M.J.C . ... Ceci se terminera mal ! fin décembre, des garçons cassent le percolateur du bar ! Au deuxième et troisième trimestre, Janine n'emmènera que des petits groupes au labo photo, et moi je resterai aucollège avec les autres.
Fin décembre nous décidons toutes les deux une réunion d'information pour les parents de la classe car certaines réactions nous inquiètent un peu (par exemple : cette mère d'élève me demandant : "Il parait qu'en cours vous rampez, vous vous roulez par terre avec les élèves : à quoi ça sert ? "). A cette réunion, (où les trois quart des parents sont venus) nous leur montrons les "romans" préhistoriques (polycopiés, reliés en albums individuels), les diapos développées par les élèves, donnant un aperçu du travail de mime - jeu dramatique. Les enfants, présenteront aussi aux parents quelque chose de plus "scolaire", de plus rassurant : deux montages de poèmes. Les parents semblent dans l'ensemble satisfaits.
 
DEUXIÈME TRIMESTRE :
Le travail de mime - jeu dramatique démarre en flèche car j'apporte une douzaine de masques neutres en carton.
Séances de travail très riches, très drôles, très variées grâce à ces masques. En dessin, ils décident de fabriquer eux aussi des masques en argile et en pâte en papier. C'est alors que Gaby leur propose de réaliser un montage audio-visuel en "fondu enchaîné" : plusieurs gosses paraissent intéressés, mais la plupart ne comprend pas du tout ce dont il s'agit ! Il faudra beaucoup d'explications, de croquis. Janine leur passe (sans "fondu enchaîné") un montage diapos-son-musique de l'année précédente. Beaucoup sont emballés, mais rien de précis ne se dessine.
 
Deux événements :
Deux événements (fin février) vont débloquer la situation :
1) Un jour (début mars) j'apporte en classe le texte polycopié d'une chanson qui m'avait plu : "L'enfant du 92e" (J. M. Sens) - le texte est décortiqué ; Catherine et Véronique proposent d'apporter deux chansons qui "ressemblent un peu à celle-ci" : "L'arbre dans la ville" (M. Le Forestier) et "Donnez-nous des jardins" (P. Perret). On compare les textes, on écoute les chansons et on cause, on cause beaucoup : leur vie dans la ZUP, leurs ruses pour jouer au ballon à la barbe des gardiens (il n'y a pas de terrains 'de jeux ...) leurs eng .. . avec les propriétaires des voitures sur les parkings (leurs seuls terrains de foot ...), l'urbanisation croissante, la disparition des bouts de jardin, des bouts de terrain qui subsistaient çà et là dans la ZUP ("devant mon bâtiment, y'avait un grand terrain avec de la terre et des buissons. On pouvait faire des cabanes. Mais ils ont tout bétonné, et au milieu ils ont mis une fontaine de mosaïque. On peut plus jouer ... " Cette réflexion sera le point de départ d'un jeu dramatique au troisième trimestre : "La cabane".
Lors d'une discussion qui réunit tous les enfants et les trois adultes, les idées fusent : "On va faire des maquettes : on va montrer un coin de campagne qui se pollue peu à peu ... On va y construire des maisons, des usines, il n'y aura plus de nature". Le thème général du montage se dessine peu à peu. Les maquettes se construisent et commencent à envahir la salle de dessin - en particulier une usine nucléaire qui va élire domicile à côté du lavabo pour y déverser ses déchets.
2) Les masques sont finis. Ils sont superbes. Gaby propose de photographier masques et maquettes ; les gosses décident des "prises de vue" variées : visages masqués en gros plan - "plans américains" - groupes masqués dans des attitudes diverses - masques posés à plat sur l'herbe etc., maquettes photographiées à différents stades de leur pollution : campagne, ville, usines ... Mais personne ne voit encore nettement comment organiser tout cela.
3) Trois groupes de travail vont fonctionner : "le groupe montage" (huit ou dix), "le groupe cirque" (jeu dramatique), le groupe "Cabane" (deuxième jeu dramatique). Mais ceux du montage participeront quand même aux jeux dramatiques comme figurants. Je passe sur les difficultés de mener de front trois travaux très différents les uns des autres ! !
Une idée naît ...
Le groupe montage dispose donc de soixante à soixante-dix diapos couleur (toujours développées par eux à la M.J.C.). Très réussies.
Lors d'une discussion entre le groupe "montage", Gaby et Janine, tout se précise. Alors qu'ils s'étaient réunis au foyer, Janine croît entendre frapper :
" - Entrez ! - Personne ! ".
Didier : "Oh madame vous entendez des voix ; vous êtes comme Jeanne d'Arc ! ... (silence) oh ! mais si ? ... "
L'un d'entre eux nous raconte :
"Sur la terre, tout est bien. Y'a Jeanne d'Arc qui règne ... Et puis un jour, le Dieu "POT D'ORDURES" arrive dans une tornade de déchets. Jeanne d'Arc est chassée. Pot d'Ordures pollue tout. Il y a de plus en plus d'habitants, de plus en plus d'immeubles, d'usines. La nature est détruite. Les gens sont malheureux. Alors ils implorent Jeanne d'Arc de revenir. Depuis son nuage, elle les entend, regroupe une armée et descend sur la terre dans une tornade de fleurs. La bagarre s'engage, entre les diablotins et les fleurs. Jeanne d'Arc triomphe, les diablotins meurent... et tout redevient comme avant".
 
Un laborieux travail
Un laborieux travail s'engage dans le "groupe montage" : une équipe écrit le texte, une autre équipe commence à trier les diapos ; mais il en manque des diapos, il faut en refaire !
Alors un soir, après 5 heures, s'engage une bagarre entre les diablotins et les fleurs. C'est facile ; ce qui l'est moins, c'est de faire fumer une usine-maquette, et de prendre les photos au bon moment !
La semaine suivante on dispose de nouvelles diapos :
En dessin, Claudine lit le texte, les autres trient, sélectionnent ; Didier projette avec un seul projecteur. Quel travail. Il faut s'occuper de tout le monde ; et puis il faut s'activer, la fin de l'année approche.
Fin mai le récit est prêt : nous déterminons avec le groupe "montage" la musique convenant pour chaque épisode :
- musique douce pour le début,
- une musique qui "fait peur" pour l'arrivée du roi (ils demandent le disque "Percussions de Strasbourg" qui a déjà été utilisé au deuxième trimestre en mime),
- musique de western pour la guerre (avec l'inévitable : "Il était une fois dans l'ouest ! ")
- etc.
Le montage est prêt
Début juin, tout est prêt : les diapos et la bande-son. Quatre élèves se chargent de la répétition en "fondu-enchaîné", qui a lieu un mercredi matin à la M.J.C.
C'est laborieux : on dispose du système de fondu-enchaîné, mais l'un des deux projecteurs ne fonctionne plus !
Janine court au C.E.S. en trouver un autre ; ce n'est pas chose facile : il faut voir l'intendante ; les secrétaires, le sous-directeur, bref la directrice donne enfin, mais timidement son accord. A son retour à la M.J.C., le premierprojecteur est réparé !
Le samedi suivant, le montage est projeté par ces quatre élèves, au foyer du collège, en séances permanentes devant les classes intéressées (essentiellement des 6e, 5e, les transitions et la SES) ; l'après-midi les parents de la classe de 6e2 assistent à la projection du montage et les gosses jouent les deux jeux dramatiques (dont les costumes-décors-accessoires ont été bien sûr réalisés en dessin-travaux manuels).
Nous aurions voulu Janine et moi, que la directrice voie le montage et les pièces : il faut dire que nous sommes toutes les deux de sérieuses enquiquineuses ! (On fait du bruit, on encombre le foyer avec un matériel hétéroclite,j'accapare le matériel audio-visuel de l'établissement, on a des conflits avec les femmes de ménage, les surveillants etc.). On aurait voulu montrer que tout cela aboutit tout de même à des résultats concrets et intéressants ! Maisla directrice ne s'est pas dérangée ni pour la projection du montage, ni pour les pièces. Il y avait ce jour-là dansl'établissement l'oral du BEPC et la préparation des salles pour l'écrit.
Plusieurs collègues - quelques-uns seulement - ont vu ces travaux : les collègues du cycle Ill et de la SES sont probablement les seuls vraiment intéressés et concernés. Pour les autres il y a belle lurette, il me semble qu'on est, Janine et moi, des profs "bien braves·mais-plutôt-fadas·et un·peu agaçants" dont les travaux n'ont pas grand chose à voir avec la Pédagogie avec une grand P.
Michèle COLIN - Professeur de lettres
Janine POILLOT - Professeur de dessin - travaux manuels