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Naissance d'une pédagogie populaire 1 - Vers une étape nouvelle

 

VERS UNE ETAPE NOUVELLE
 
     Technologiquement, nous avons franchi aujourd'hui la première étape.
     Qu'on le veuille ou non, en pénétrant dans la classe, l'imprimerie régénère et transforme nos pratiques éducatives. C'est pourquoi l'étude de l'adaptation pédagogique de notre technique doit être, plus encore que par le passé, liée à tout le problème d'organisation du travail scolaire, problème dont nous avons, en cours d'année, montré quelques solutions possibles.
     Cette étude suppose, donc un élargissement et un approfondissement de nos expériences et de notre documentation.
     Il ne s'agit plus pour nous de considérer seulement l'aide que l'imprimerie peut apporter par exemple à l'étude du français. Nos expériences antérieures nous ont montré la nécessité de ne pas séparer l'introduction de l'imprimerie de la recherche de techniques nouvelles de travail, en rapport avec nos possibilités actuelles.
     Nous avons précisé, dans le numéro 18, l'importance nouvelle que nous accordions aux techniques. L'éducation doit, selon nous, être élévation de l'individu, avec l'aide du milieu ambiant et de l'adulte. Notre rôle se limite à la recherche et à la mise à la portée des enfants des instruments de travail indispensables. C'est à cette recherche que nous devons plus spécialement nous consacrer.
     1) Comment l'enfant doit-il être élevé, habillé, logé, nourri, etc... pour qu'il puisse se développer harmonieusement et au maximum ?
     C'est toute la question de la base sociale de l'éducation, intimement liée avec les problèmes économiques, politiques et syndicaux qui ne sauraient nous laisser indifférents.
    2) Que doit être l'installation de la classe ? Question urgente, beaucoup trop négligée dans la presse pédagogique, que Fichot a amorcée dans notre bulletin et pour laquelle nous réunirons une abondante documentation.
     Comment mettre à la portée des élèves les instruments de travail pour :
     a) Le travail manuel ;
     b) Le travail intellectuel et social ;
     c) Le travail artistique ;
 
   Un questionnaire de fin d'année, ample, nourri de leur pratique, d'idéologie prolétarienne et humaine était en cette fin d'année adressé à tous nos adhérents, et c'est avec une joie non dissimulée que Freinet écrivait en Juillet 29 :
 
     Nous étions il y a un an une cinquantaine d'adhérents, nous voilà 150 à ce jour et en cette fin d'année les adhésions s'annoncent si nombreuses que nous serons peut-être près de 200 quand paraîtront ces lignes.
 
   Mais entre ces adhérents qui, si spontanément, se rassemblent autour de Freinet, qu'il n'y ait pas d'arrière-pensée quant à l'orientation de la C.E.L. :
 
     Quelques camarades se sont étonnés de ne voir dans notre bulletin l'expression d'aucune idéologie sociale ou syndicaliste. En effet, notre silence à cet égard ressemblerait fort à ce souci de neutralité que nous critiquons dans la Nouvelle Education et la Ligue internationale pour l'éducation nouvelle.
     Mais (nous n'avons pas prétendu et ne prétendrons pas faire de notre coopérative ni de notre groupe une association nouvelle, ayant ses destinées propres, ses moyens d'action et ses buts.
     Persuadés que nous sommes que l'éducation ne peut rien sans l'appui vigoureux des organisations syndicales et ouvrières, nationales ou internationales, nous avons déclaré que nous nous considérions seulement comme un organisme d'études pédagogiques, et que nous laisserions à nos syndicats, à nos fédérations, à nos associations diverses de défense corporative et idéologique, le soin de faire aboutir nos revendications.         
     Nous ne craindrons |pas, dans cette revue, de chercher les causes véritables de la misère de l'école populaire en régime capitaliste, nous montrerons les voies possibles de libération scolaire. A nos adhérents à lutter ensuite, comme ils l'entendront, sur le plan politique et social, et au sein de leurs groupements, pour que puissent un jour se réaliser les rêves généreux des pédagogues.
    Telle demeure la position actuelle de la C.E.L.

 

LE CONGRÈS DE BESANÇON 1929
 
    Le Congrès annuel de la C.E.L. eut lieu à Besançon les 3 et 4 août 1929.
    Le Conseil d'Administration (Boyau, Gorce, Caps, Bouscarut, Freinet) s'occupe comme à l'ordinaire du rapport moral, des comptes rendus financiers, de la gestion des revues, du rapport de la Commission de contrôle, et divers.
    Comme l'on s'en doute le sujet brûlant reste les difficultés financières d'une entreprise qui sans mouvements de fonds ne peut faire face à la montée en flèche de ses effectifs. Il est parlé longuement de l'affiliation de la C.E.L. à la Fédération des Coopératives pour ouverture d'un crédit à la Banque des Coopératives. Mais c'est là le leit-motiv de tous les Congrès. Dans les discussions, les rubriques : Imprimerie, Matériel, Gerbe, Extraits de la Gerbe, Papier, Radio, Cinéma, sont mises en question. Un nouveau sujet apparaît : le « Fichier ». Il passionne les adhérents qui y ont sérieusement réfléchi. Nous verrons plus loin quelles considérations nécessaires ce nouvel outil imposera aux camarades. Dans l'enthousiasme, c'est la séparation, et des perspectives nouvelles de travail s'ouvrent pour tous.
    En conclusion de cette année de travail qui réalisa pour nous tous un si gros effort, une si totale confiance en l'avenir, et qui définitivement situait la C.E.L. dans le monde pédagogique et social, Freinet se faisait un plaisir de citer ces belles paroles de M. Rosset, directeur de l'Enseignement Primaire :
 
     Votre rôle à vous, éducateurs nouveaux, c'est de déblayer les voies et d'indiquer la route à suivre à l'enseignement officiel. Nous voulons faire confiance à ceux qui essaient de rénover nos anciennes méthodes, parce qu'ils réussiront. Ne réussiraient-ils pas, d'ailleurs à effectuer une transformation complète, qu'ils nous obligeraient cependant à progresser malgré nous et à changer l'esprit même de notre enseignement.